Le changement de Premier ministre qui a tenu les rédactions du pays en haleine pendant 24 heures aura une importance limitée. Le rôle du chef du gouvernement, hors cohabitation, dans la pratique de la Vème République, demeure celui d’un fusible et cela n’est pas une nouveauté avec Emmanuel Macron.
En nommant Gabriel Attal à la place d’Elisabeth Borne, le président mise sur la jeunesse et la popularité du ministre de 34 ans. Encarté au Parti socialiste pendant 10 ans, il devra s’en tenir naturellement à la feuille de route macroniste.
Un ripolinage gouvernemental
L’ère Macron, celle du « en même-temps » et de l’entrée totale dans la numérisation aura sans nul doute été celle du trop plein de communication dans la vie politique française. Il ne s’agit pas ici d’exprimer des regrets sur des temps anciens durant lesquels les politiques auraient été moins faux ou plus authentiques. Il est seulement question de constater que l’hypercommunication liée aux réseaux sociaux et au développement des chaînes d’information en continu a largement participé à une surexposition du politique qui s’avère néfaste.
Le nouveau Premier ministre est jeune, apparaît bien moins désagréable que nombre de ses pairs et ne sera pas forcément plus maladroit qu’un autre. Auréolé d’une côte de popularité flatteuse après moins de six mois passés à l’Éducation nationale, il tentera de relancer une présidence usée à mi-mandat. Pourtant le ministre n’a rien eu le temps de faire à l’Éducation si ce n’est lancer des réformes qu’il n’aura pas à assumer directement.
Gabriel Attal n’a jamais travaillé dans une entreprise ; diplômé de Science Po et d’une licence en droit, il a été élu député et conseiller municipal et a déjà connu plusieurs expériences ministérielles. « Pacsé » à un proche du président, Stéphane Séjourné, il est une jeune pousse du macronisme et s’en tiendra fidèlement à la feuille de route de l’Élysée. Fusible du président, il peut aussi être envisagé comme le poulain d’Emmanuel Macron à la recherche d’un successeur pour 2027.
Cure de jeunisme au sommet de l’Etat
Nommer un ministre à la tête du gouvernement peut permettre de le mettre hors-jeu pour l’élection présidentielle en l’exposant à la critique et à l’usure du pouvoir. Dans le cas de Gabriel Attal, il est possible qu’Emmanuel Macron envisage plutôt une passation de témoin faute de pouvoir se présenter lui-même en 2027. Si le nouveau Premier ministre est le plus jeune de la Vème république, il est aussi le chef du gouvernement du président le plus jeune de ce régime, élu à seulement 39 ans. À la fin de son second mandat, Emmanuel Macron aura l’âge de Valéry Giscard d’Estaing en 1974, président élu le plus jeune jusqu’à 2017… Un glissement de l’âge de la carrière politique qui est assez paradoxal alors que la population du pays est vieillissante.
Le cursus honorum républicain à la dérive
Ce rajeunissement du profil ministériel et politique est aussi assez inquiétant en termes de conception du pouvoir. Là où un poste ministériel - et à plus forte raison - un mandat présidentiel constituaient le sommet d’une vie d’engagement ou a minima d’une passion pour le politique, ces rôles de premier plan s’intègrent désormais à des carrières.
Les jeunes pousses du sarkozysme avaient amorcé ce changement avec François Baroin devenu conseiller extérieur de la banque Barclays en France en 2017. Nathalie Kosciusko-Morizet s’était, elle, dirigée vers une entreprise du numérique étasunienne la même année. Enfin, François Fillon, éjecté de la vie politique française en 2017, s’était tourné vers le monde de la finance (à la différence près que l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy semble avoir été contraint de quitter la vie politique par les circonstances).
Chez les macronistes, les exemples en la matière ne manquent pas : Jean-Baptiste Djebbari, Mounir Mahjoubi, Sibeth Ndiaye, Brune Poirson, Julien Denormandie… Tous ces ministres du premier quinquennat sont partis dans le privé. Du côté de la gauche socialiste, des mouvements analogues ont pu être observés mais nombreux sont ceux qui prennent la voie du monde associatif pour faire peser leurs idées par un autre canal (Benoît Hamon, Cécile Duflot).
Avec des ministres de plus en plus jeunes finit toujours par se poser la question de l’après-politique. Celui qui a présidé à la destinée d’une nation peut-il partir « faire de l’argent » dans le privé après avoir occupé la fonction suprême ? Par ailleurs, si le talent n'attend pas le nombre des années, l’expérience demeure un atout précieux dans l’exercice du pouvoir. Enfin, si le texte sur l’euthanasie est voté sous un gouvernement Attal, on retiendra que c’est le plus jeune des Premier ministre qui se sera chargé de liquider les Anciens !
Olivier Frèrejacques
Président de Liberté politique
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