Source [droitededemain.fr] Retrouvez ci-dessous l'entretien avec Alexandre Devecchio est journaliste au Figaro, rédacteur en chef adjoint des pages débats en charge du FigaroVox et auteur de Recomposition, publié en 2019.
Votre livre a tenté en 2019 de décrypter la notion de populisme, un terme qui a longtemps eu une portée ambiguë. La France n’a-t-elle pas toujours été populiste ? Napoléon Ier, Napoléon III ou Charles de Gaulle faisaient par exemple énormément appel au peuple par l’usage du référendum.
Pierre Rosanvallon lui-même, dans son livre, Le siècle populiste, n’hésite pas à comparer Trump ou Orban à Napoléon III. La plupart des populistes ont pour point commun de vouloir rompre avec la politique des experts et de court-circuiter les médiations institutionnelles traditionnelles pour imposer le peuple souverain comme acteur politique et démocratique central. S’ils n’entendent pas nécessairement en finir avec le principe de démocratie représentative, ils sont pour la plupart favorables à une dose de démocratie directe et ont souvent recours au référendum pour assurer leur légitimité. Napoléon Ier comme Napoléon III étaient défiant à l’égard des corps intermédiaires et des institutions représentatives et, tous deux ont tiré leur légitimité de ce qu’on appelait alors le plébiscite et que l’on nommerait peut-être, aujourd’hui, référendum. En cela, on peut dire, en effet, que le bonapartisme préfigure le populisme.
Quant à de Gaulle, il faut rappeler que, sous l’occupation, il était traité de « bolchevik » par les partisans du maréchal Pétain. En 1958, ses opposants défilaient contre lui avec des pancartes sur lesquelles figurait l’inscription : « le fascisme ne passera pas ». Aujourd’hui, il est probable qu’il serait taxé de « populiste ». Et pour cause, de Gaulle concevait le pouvoir comme un face à face avec le peule. « En France, la cour suprême, c’est le peuple », aimait-il répéter. La constitution de la Ve République, dont il est le fondateur, rappelle dès l’article 2 que « la République est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Fait notable et trop souvent oublié par ses successeurs la démocratie directe y est placée sur le même plan que la démocratie représentative : « le peuple exerce sa souveraineté aussi bien par ses représentants que par la voie du référendum », souligne l’article 3. Si la démocratie gaullienne accorde peu de place aux corps intermédiaires au nom de l’indivisibilité de la nation et de l’efficacité politique, le président de la République doit s’assurer de sa légitimité par la pratique régulière du référendum : de Gaulle en organise cinq entre 1958 et 1969 et met immédiatement fin à ses fonctions le 27 avril 1969 après sa défaite lors du référendum qu’il avait initié sur la régionalisation.
Dans mon livre, j’écris que le gaullo-bonapartisme n’est rien d’autre qu’un populisme haut de gamme !
Pourquoi aucun candidat populiste n’arrive-t-il à s’imposer en France alors que l’histoire et le contexte y sont favorables ?
Conçue, comme nous l’avons vu, par un « populiste », le général de Gaulle, dans une logique « populiste », la Constitution de la Ve République peut théoriquement favoriser la victoire d’un « homme fort » au-dessus des partis. Reste que la montée en puissance du FN, depuis les années 80, complique l’équation. Marine Le Pen a su rompre avec l’héritage d’extrême droite du FN et faire du RN un parti populiste débarrassé de ses relents antisémites et racistes. Pour autant, son équation personnelle reste brouillée par son histoire politico-familiale comme par les insuffisances qu’elle a affichées lors du débat d’entre-deux-tours il y a quatre ans. Dans un scrutin majoritaire à deux tours, où le vainqueur doit réunir au moins 50% des voix, ses chances paraissent bien faibles.
La force de Trump et de Johnson était d’avoir un pied dans le système et un pied en dehors. Trump, en tant que milliardaire et star de téléréalité, faisait en quelque sorte partie de l’élite dans le monde des affaires et du spectacle. Johnson, bien qu’y faisant figure d’anticonformiste, a toujours appartenu à l’establishment britannique. En outre, tous deux ont réussi à s’emparer de partis traditionnels avant de les reconfigurer idéologiquement à leur image. Il manque à Marine Le Pen tous ces atouts… Reste qu’en installant le RN comme seule alternative possible à la République en Marche, Macron rend possible sa victoire à terme.
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