Source [Marianne] Avec "Le référendum d'initiative citoyenne expliqué à tous", Clara Egger et Raul Magni-Berton font un état des lieux du RIC en analysant sa pratique à travers le monde. Ils nous livrent aussi le mode d'emploi pour la France d'un mécanisme démocratique qui se gagne par la lutte.
C'est très vite devenu la revendication emblématique des gilets jaunes, presque le dénominateur commun d'un mouvement disparate. Le RIC, référendum d'initiative citoyenne, est apparu comme l'instrument de la reprise du pouvoir pour une population oubliée. Un évènement historique, car il est rarissime qu'un mouvement social réclame une mesure institutionnelle. Clara Egger et Raul Magni-Berton, deux universitaires grenoblois qui travaillent depuis des années sur la démocratie directe, l'ont remarqué tout en constatant que nombre de responsables politiques et de commentateurs redoutaient ce RIC perçu comme un dangereux saut dans l'inconnu de la volonté populaire.
Pourtant, on dispose de recul sur ce mécanisme existant dans 36 pays à travers le monde, bien qu'il n'ait jamais été utilisé dans 18 d'entre eux. Car le RIC compte nombre de variantes et certaines se révèlent impraticables. Les deux chercheurs en science politique nous l'apprennent dans Le référendum d'initiative citoyenne expliqué à tous, un livre qui relève aussi bien du mode d'emploi que de la méta-analyse. Il s'appuie en effet sur l'ensemble des études disponibles pour délivrer quantité de données sur ce référendum et ses conséquences. Un travail d'intérêt public à recommander à chacun, du bord des ronds-points à l'Elysée.
Marianne : Comment un pays en vient-il à instaurer le RIC ?
Clara Egger : On parle beaucoup d'une culture du compromis propre à la Suisse, en oubliant que le RIC y a résulté d'une lutte politique. C'est toujours quelque chose que les élus lâchent, car ils perdent du pouvoir en démocratie directe. La pression populaire les y contraint, comme en Suisse où l'on a frôlé plusieurs fois la guerre civile alors que des territoires réclamaient l'auto-gestion.
Raul Magni-Berton : En Europe de l'est, en Amérique du sud comme en Italie où on l'accorda à la chute de Mussolini, il a accompagné le passage d'une dictature à la démocratie. Contrairement à la Suisse ou aux Etats-Unis, il n'y a pas eu de lutte. Mais cela donne un RIC sans grand intérêt, car on l'a donné en le bridant.
Vous constatez qu'il ne fonctionne bien qu'en Suisse et dans les états américains. Pourquoi ?
RMB : Le modèle suisse est le plus pur car il englobe tous les sujets en permettant une révision constitutionnelle, ce qui est également le cas dans de nombreux états des Etats-Unis, mais pas au niveau fédéral. Au contraire, dans le modèle sud-américain, beaucoup de sujets sont interdits. Or pour que le dispositif améliore les politiques publiques, notamment au plan budgétaire, les citoyens doivent obtenir un contrôle total.
CE : Les modèles qui marchent ont aussi des seuils de signatures accessibles, et encore plus importante est la question du quorum, taux de participation minimal pour valider une décision. Un instrument pour tuer le RIC.
Il témoigne tout de même de l'intérêt des gens concernés. Et en Suisse comme aux Etats-Unis, le taux de participation moyen s'avère faible. Y aurait-il un manque d'appétence pour cette démocratie directe ?
CE : Le RIC produit des publics sur des enjeux. Des gens se déplacent sur certains sujet et pas sur d'autres. Si je suis intéressé, je me renseigne et me prononce. Sinon je ne me déplace pas, et ce n'est pas grave. La participation pose problème quand elle renvoie à de l'exclusion, comme en France où l’abstention exprime un rejet du système plus qu'un désintérêt.
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