Source [Atlantico] Selon une note publiée par l'OCDE, en France, "les inégalités d'opportunité sont importantes" et "largement liées au système éducatif". L'Hexagone arrive ainsi avant-dernière du classement des pays de l'OCDE juste devant la Hongrie.
Atlantico : Selon une note publiée par l'OCDE, "la France, les inégalités, et ascenseur social", en France, "les inégalités d'opportunité sont importantes, largement liées au système éducatif". Comment expliquer, alors que la France a connu un "tournant égalitariste" dans les années 80, que le résultat produit soit justement inverse à celui recherché ? Comment comprendre ce paradoxe apparent ?
Pierre Duriot :
Dans les années 80, justement, on a mélangé l'égalité et l'égalitarisme, une confusion courante chez tous les acteurs concernés par l'enseignement. Pour faire simple, l'égalité c'est la possibilité égale, offerte à tous, d'obtenir le diplôme maximum correspondant à ses capacités cognitives et comportementales personnelles. L'égalitarisme c'est : « 80 % d'une classe d'âge au bac ». Dit comme cela, on saisit mieux la différence et à quel moment l'affaire est partie en vrille : l'excellence ne se décrète pas, elle se construit et elle se travaille et ce, depuis les plus petites classes, en collaboration avec les parents qui ont leur part de responsabilités dans les qualités comportementales de l'élève et dans l'adhésion de la famille et de l'enfant au système éducatif. Pour que l'école puisse avoir un projet éducatif pour son élève, il faut que les parents aient un projet de vie pour leur enfant. L'école a péché par démagogie, à vouloir se charger à la fois d'éducation, de citoyenneté et d'instruction, mais aussi, elle n'a pas veillé suffisamment, pour ses professeurs, à une formation professionnelle de qualité, tout en les payant insuffisamment, ce qui se traduit aujourd'hui par une part de responsabilité dans l'échec collectif et une grave crise des vocations. Non seulement le métier n'attire que trop peu mais il s'est aussi féminisé à outrance, notamment en primaire et maternelle, au moment où l'accroche par le phénomène des modèles identificatoires nécessiterait un personnel beaucoup plus mixte.
En plus de décréter le niveau dans une visée purement électoraliste, l'école a aussi voulu décréter la mixité sociale, par la contrainte, ce qui ne marche pas et qui ne marchera jamais, les familles les plus aisées ayant toujours les moyens de la mobilité et ceux de l'inscription dans un établissement scolaire privé de leur choix. Concernant la mixité ethnique, celle que l'on camoufle en mixité sociale, le législateur a fonctionné sur l'idée que la population générale ne voulait pas des immigrés originaires d'Afrique, les immigrés européens et asiatiques n'ayant eu guère d'impact particulier sur le système scolaire. Or c'est bien le contraire qui est factuel, la mixité a cessé du fait du départ des autochtones, souvent pour des raisons, au mieux de bien-être, au pire de sécurité et du regroupement des populations originaires d'Afrique en quartiers communautaires selon plusieurs biais. En cette période de dénonciation de l'antisémitisme, quelques voix ont tout de même osé dénoncer le départ des juifs depuis les quartiers à forte densité afro-arabe, pour des raisons de sécurité. Il en résulte des établissements devenus presque ingérables, où se côtoient, quasiment hors de la population générale, des populations en rivalités séculaires, dans lesquels mes collègues professeurs peinent à enseigner. Il faut bien comprendre que sur un cours de cinquante minutes, quand on en passe trente à quarante à essayer d'obtenir une atmosphère de travail permettant de transmettre des savoirs, le résultat ne peut pas être le même que dans un collège ordinaire où la classe se met au travail dès la porte fermée. La conséquence de toutes ces erreurs stratégiques est une reproduction, en les amplifiant, des inégalités sociales et des replis sur elles-mêmes des classes sociales les plus défavorisées et les plus communautarisées. Les classes supérieures s'en sortent comme elles se sortent en général de toutes les adversités, mais il en reste une lamination des classes moyennes inférieures, qui atteint maintenant les classes moyennes supérieures, dont l'essentiel de l'énergie passe dans la tentative de limiter la casse et la descente de catégorie pour leurs enfants.
Enfin, cette idée que tout le monde allait obtenir le diplôme général du bac a contribué à entraîner la roue de la désindustrialisation, en ne permettant plus aux élèves peu aptes à l'abstraction et à la symbolisation, d'intégrer des filières professionnelles de qualité. Celles qui restent sont souvent synonymes d'échecs scolaires pour les élèves concernés. On retrouve cette dimension dans les efforts désespérés entrepris ces dernières années, dans certaines régions à industries historiques ou thématiques, pour rouvrir des filières professionnelles qualifiantes, dans l'aéronautique ou l'automobile, par exemple.
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