Convention de la Droite : un grand moment, et après ?

Pari réussi pour les organisateurs de la Convention de la Droite, qui s’est tenue samedi 28 septembre après-midi, à La Palmeraie, dans le sud de Paris. Il faut dire que les risques pris n’étaient pas bien grands : rassembler largement les formations de droite autour d’un programme alléchant, et de personnalités aussi charismatiques et populaires qu’Eric Zemmour et Marion Maréchal, répondait à une envie et à un besoin profonds de toute une partie de l’électorat de droite qui a répondu en masse à l’appel, et en un temps record.

Liberté politique était présente pour l’occasion. Avec le collectif France Audace, nous travaillons depuis de nombreuses années sur la thématique de l’union des droites, et nous ne pouvions que nous réjouir de voir ainsi rassemblés autant d’acteurs avec lesquels nous collaborons depuis si longtemps. A titre d’exemple, nous étions intervenants aux journées de Béziers au printemps 2016.

Tout d’abord, la Convention de la droite s’est distinguée par une atmosphère qualitative : une ambiance chaleureuse et digne, ce qu’il faut de musique techno, mais sans excès, pas de clins d’œil outrageux à la sous-culture américanisante considérée comme trop souvent indispensable pour se donner le sentiment qu’on vit avec son temps. On se rappelle en son temps les distributions de préservatifs estampillés UMP… La tenue générale était plus qu’appréciable : contre la dictature des jeans-converse, ou dans un autre genre, du short-bateaux, une multitude de jeunes en veston, et dûment cravatés. C’est peut-être anecdotique, mais le relèvement de la France commence – aussi – par là.

C’est à Eric Zemmour que revenait le privilège d’introduire la journée. Il a livré un discours d’une très haute tenue, comme peu d’hommes politiques – oserions-nous, peut-être comme aucun ? – n’est capable d’en tenir aujourd’hui : une maîtrise du verbe français dans toute son élégance et ses nuances, une pensée puissante et synthétique, des références historiques, philosophiques, littéraires, qui ne donnent jamais le sentiment d’avoir été « casées » pour faire chic là où il faut par une plume stipendiée, mais qui nourrissent une authentique vision, un profond amour de la France. Allons jusque-là : en cette Convention de la droite, Eric Zemmour a présenté un discours politique qui pourrait être celui d’un futur candidat à l’élection présidentielle. Qui vivra verra. 

Excellente fut aussi l’intervention de Robert Ménard, d’une rare intensité, toute en rage contenue. Contenue, certes, mais cela ne l’a pas empêché d’envoyer un trait direct et sans ambiguïtés à l’égard de Marion Maréchal, et ceux qui ne jurent que par la « métapolitique », dont Robert Ménard a visiblement une très piètre opinion... Il n’a pas tort : la droite française souffre aujourd’hui de trop d’atermoiements dans l’engagement, de trop d’hésitations stratégiques. Son appel à l’engagement pour les municipales a eu le mérite de rappeler qu’aucun échelon gouvernemental ne peut espérer être atteint sans un enracinement et une pratique locale du pouvoir. 

Le philosophe de gauche Raphaël Enthoven a eu droit à une tribune rhétorique d’une vingtaine de minutes, pour pouvoir librement – mais jamais agressivement – exprimer tout le mal qu’il pensait de ses hôtes. Il aime parler et maîtrise très bien l’exercice. Sa présence était une réponse directe à l’invitation avortée de Marion Maréchal à l’Université d’été du Medef : la caution d’ouverture, la preuve en chair et en os que la droite n’a pas peur de donner le micro à ses adversaires. Il y a bien eu quelques sifflets, mais Enthoven a tout de même pu dérouler son argumentation sur l’inanité du projet conservateur. Si l’on passe sur ses énormités concernant le caractère irréversible des lois sociétales (comment peut-on, philosophiquement, défendre l’absolue liberté individuelle et considérer qu’il se crée des déterminismes qu’on ne puisse ainsi surmonter par le choix et la volonté ?) ou la soi-disant nécessaire repentance française, il y a une ou deux questions posées par lui qui méritent d’être écoutées : le conservatisme peut-il être en France autre chose qu’une force d’appoint, est-il capable de s’organiser comme une force pour gagner ?

En attendant, la Convention de la Droite s’est donné la peine de déployer un ensemble d’intervenants d’excellente qualité, avec des débats de fonds, pertinents et bien pensés, ne se contentant pas, n’en déplaise à la gauche, qui n’y a vu qu’une incantation contre le grand remplacement, de ressasser des clins d’œil de convaincus. Il ne s’est pas agi d’une auto-célébration vide de sens, mais d’un réel souci de donner de la profondeur aux valeurs regroupées derrière le terme de conservatisme. Le débat entre Laurent Alexandre, Olivier Babeau, Fabrice Hadjadj et Ivan Rioufol, par exemple, sur les enjeux de puissance à horizon 2050, concernant les défis technologiques et anthropologiques à relever par la France, était à ce titre particulièrement stimulant. 

L’un des fils conducteurs de la journée aura été la volonté nouvelle d’assumer ouvertement et publiquement le terme de conservatisme ; cela fut bienvenu, après le dernier passage de François-Xavier Bellamy chez Laurent Ruquier il y a quelques jours, où il mit un soin particulier, une fois de plus, à récuser un terme qui pourtant vient de donner la victoire à Sebastian Kurz en Autriche. Le conservatisme dont il fut question à la Convention de la Droite réévalue le legs du passé pour en tirer le meilleur, la force qu’il faut pour affronter les forces de destruction à l’œuvre dans la nation française. C’est dans ce contexte que Paul-Marie Coûteaux a eu une formulation choc, expliquant que le nazisme était d’une modernité totale. La presse de gauche y a vu, évidemment, une apologie du IIIème Reich. Mais pour l’auditoire, il est évident que c’est parce que le nazisme est d’une « modernité totale » qu’il est d’une dangerosité extrême. Les débats actuels de bioéthique sont là pour nous rappeler que les nationaux-socialistes étaient les tristes précurseurs des députés qui votent aujourd’hui en France en faveur de la manipulation du vivant et de la sélection génétique. 

La fin de la journée a donné l’occasion à deux figures féminines charismatiques de prendre la parole. Marion Maréchal, largement ovationnée, a dressé un discours de politique générale, un catalogue programmatique, et quelque peu scolaire. Il y manquait un peu de souffle et d’âme. En outre, certaines assertions pouvaient nous sembler contestables, notamment lorsqu’elle estime que la France n’a pas besoin d’un homme providentiel, alors que de toute évidence, dans la guerre totale qui se joue actuellement, seul un homme ou une femme providentiel peut redresser la barre.  La parole fut donnée aussi à l’américaine Candace Owens, militante d’origine afro-américaine, et pro-Trump. Une énergie redoutable, du franc-parler : une invitation qui put donner le sentiment que la Convention avait le soutien du président américain Trump. Nous tempérerons l’enthousiasme général en rappelant que Candace Owens était, il y a deux ans encore, largement inconnue, et surtout, se définissait comme radicalement anti-conservatrice. C’est un renversement pour le moins spectaculaire. Vu de France, nous ne sommes pas si regardants. Beaucoup plus stimulante, sur le fond, était l’intervention finale de l’universitaire américain Gladden Pappin sur les nécessaires évolutions du camp conservateur aux Etats-Unis pour donner un sens et un avenir à l’épisode Trump.

Que retenir de cette journée extrêmement riche ? Un goût d'inachevé : au menu annoncé, l'union des droites. Or il faut bien avouer qu'aucun ténor des deux principaux partis de la droite, Les Républicains comme le Rassemblent National, n'était au rendez-vous. Malgré tout, le sentiment d’avoir été dans une grande réunion de famille. Un moment réconfortant, et galvanisant, malgré la diversité des arrière-plans et des horizons. L’on sait qu’il ne ressort jamais rien de vraiment concret des réunions de famille : néanmoins elles sont indispensables pour entretenir le lien et nourrir le sentiment d’appartenance. C’est grâce à elles que l’on sait que « ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous divise » : tâchons de nous en souvenir à l’heure du combat décisif !

Constance Prazel

Déléguée générale de Liberté politique