Source [Aleteia] : Le nouveau Premier ministre français, Gabriel Attal, voit "l’identité" de son gouvernement dans la "reconquête de la souveraineté française et européenne". De quelle souveraineté, de quelle France et de quelle Europe parle-t-il ? s’interroge l’écrivain Xavier Patier.
Il y a vingt-cinq ans, les derniers gaullistes historiques faisaient songer aux vétérans de l’Empire qui, sous la Seconde République, se retrouvaient chez l’un de ceux « qui avaient vu l’Empereur ». Mais ces réunions d’anciens grognards préparaient une politique de nostalgie, le coup d’État, la guerre, le désastre de Sedan, tandis que les héros de l’épopée gaullienne « qui avaient vu le Général » n’avaient pas de projet. Ils se donnaient rendez-vous rue de Solférino, non pas au siège du tout puissant Parti socialiste, mais juste en face, dans les locaux de la Fondation Charles-de-Gaulle où l’on découvrait une concentration émouvante d’intelligence, de courage, de grands noms et de grand âge. Cependant, on comprenait vite que la politique ne se fabriquait pas de ce côté-ci de la rue. De Gaulle l’avait prédit : « Tout ça va finir, et après on retournera à la politique… »
Du sens à la souveraineté française
Que restait-il de « tout ça » dans la droite du début du XXIe siècle ? À la vérité pas grand-chose. Le gaullisme était désormais partout et nulle part. La politique avait repris ses droits. Maurice Druon pestait seul dans son monastère au milieu des vignes. Pierre Lefranc expliquait que le gaullisme avait disparu avec son fondateur. Jean Charbonnel dépensait son énergie à excommunier les hérétiques. Pendant ce temps les anciens adversaires du général, de droite comme de gauche, découvraient la route de Colombey. Ils déposaient des fleurs sur la tombe du géant qui avait cessé de leur faire peur et pouvait même leur apporter quelques voix. Ils professaient un gaullisme à la carte qui exaspérait le carré des fidèles. Jacques Chirac affirmait que le RPR n’était pas l’héritier du général de Gaulle pour cette simple raison que tous les Français l’étaient. « Nous ne sommes pas ses héritiers, nous sommes ses disciples », précisait-il.
Disciples, certes. Mais de qui donc étions nous les disciples ? D’un homme qui avait donné du sens à l’idée de la souveraineté nationale. De Gaulle au pouvoir était haï par la bourgeoisie orléaniste, suspecté par la droite bonapartiste, vomi par les socialistes, vénéré seulement par les pauvres et par les jeunes nations fragiles qu’on appelait le tiers-monde. Les déshérités du monde entier regardaient de Gaulle avec ferveur ; les riches ne l’aimaient pas. Pour De Gaulle, défendre à la fois la souveraineté française et la construction européenne était cohérent, car l’Europe qu’il construisait n’avait peu à voir avec ce qu’est devenue aujourd’hui l’Union européenne. Les forces vives de la Commission étaient de formation et de langue françaises. Le couple franco-allemand, équilibré, était aux mains de deux dirigeants chrétiens. La Politique agricole commune (PAC) était attelée à la tâche de bâtir notre souveraineté alimentaire par le soutien des prix, et l’agriculture française se trouvait grâce à elle au premier rang mondial. La convention de Lomé donnait des perspectives à la coopération avec l’Afrique avec un succès qui fit un jour s’émerveiller Jacques Chirac en privé : « Lomé, ce sont des fonds européens dépensés pour un bénéfice politique français. » La construction européenne était, selon De Gaulle lui-même, le « levier d’Archimède » qui permettrait à la France de retrouver la première place qu’elle avait perdu en 1815.
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