Source [Atlantico] Depuis l'élection d'Emmanuel Macron, les dépenses publiques au coût exorbitant et à la rentabilité quasiment nulle se sont multipliées.
Atlantico : Quelles seraient les cinq plus graves erreurs de dépenses publiques à retenir et que révèle chacune d'entre elles quant à la politique économique du gouvernement ?
Mathieu Mucherie : On peut commencer par quelque chose qui n'est pas encore en place : le contrôle des loyers. Le contrôle des loyers n’est pas encore en place, mais on y va tout droit avec Benjamin Griveaux. Cela n'a l'air de rien, mais pour peser sur tout la collectivité, pour attirer les prix immobiliers vers le haut, et pour dégrader l'ensemble de la qualité du marché, c'est l'idéal. Cela a été testé à de nombreuses époques et dans de nombreux pays (comme à New York), et cela a toujours été comme la bombe à neutrons : cela préserve les apparences, mais cela ronge, comme les termites, le marché immobilier. C’est excellent pour détruire de la valeur. Ce premier exemple est toujours sous-estimé : on parle souvent de coûts directs, comme des dépenses qui ne servent rien, mais on oublie les coûts de réglementations mal pensées, pernicieuses, et qui détruisent énormément. Ce qu’il fallait faire, c’était construire. Comme ils ont décidé de ne pas construire, les prix sont partis vers le haut alors que la demande n’était pas spécialement élevée. Répondre par le contrôle des prix à une hausse qu’ils ont eux-mêmes créé par une politique qui consiste à ne surtout pas construire, c’est le cas d’école de ce qu’il ne faut pas faire. Cela renvoie à des erreurs du passé (la période Chirac-Sarkozy-Hollande). Et en plus, cette méthode s’est mise en place avec un discours macronien sur la startup nation, et cela rend cette réglementation encore plus insupportable : on ne peut pas dire qu’on prend Guilluy au sérieux, Piketty au sérieux, et puis dans le même temps avoir une politique immobilière aussi bête.
Le deuxième point, c’est le fond de la politique gouvernementale, ce qu’on pourrait appeler la tuyauterie « budgétaro-fiscale ». On a, avec Macron, le maintien de la stratégie de tous les gouvernements de gauche et droite confondus depuis 1991 : faire semblant de baisser les charges et augmenter des impôts comme la CSG ou la TVA. C’est la stratégie de départ de ce gouvernement, qui n’est pas novatrice. Ce n’est pas forcément une mauvaise idée. Mais si on n’a pas une politique cohérente sur le salaire minimum (avec des coups de pouce endogènes donnés au SMIC), c’est ce qu’on appelle une usine à gaz. C’est en effet un processus qui n’a pas de fin et qui consiste à déshabiller Paul pour habiller Jacques. Cela a été préparé comme une révolution alors que c’est dans la continuité totale de ce qui se faisait auparavant. Ce n'est pas une catastrophe, mais énormément d’argent est mobilisé pour cela. Les transferts en brut sont importants et mobilisent une énorme partie de l’énergie gouvernementale.
Le troisième élément, je crois qu’on peut le situer du côté de la politique énergétique. Ce n’est pas une spécialité de Macron, parce que cela remonte à loin. L’absence de contrôle d’EDF est quand même gênante. Des gens comme Bruno Le Maire peuvent faire des numéros sur l’EPR et le contrôle de l’EPR, etc. Mais ces gens-là étaient bien placés pour s’en occuper il y a cinq ou dix ans, et ils n’ont rien fait. Ce qui me gêne, c’est qu’il n’y a aucune stratégie, notamment sur le solaire. On fait des éoliennes qui ne sont pas rentables, pas utiles socialement, et qui coûtent très cher. En revanche, sur le solaire, où l’on pourrait faire des choses parce que la rentabilité du solaire est meilleure, il n’y a rien. On laisse Total et EDF faire à leur façon, aux Etats-Unis par exemple, mais en France il n’y a pas de vraie stratégie pour couvrir les bâtiments par des panneaux solaires. Il faudrait structurer une filière. Il faudrait aider fiscalement et budgétairement : on aurait un solar city français, ou deux ou trois. Et là, dans ce domaine particulier, on peut s’organiser pour que dans cinq ans, dans dix ans, et que tout cela soit plus efficient énergétiquement et soit moins cher et plus rentable. Résultat : on sort des véhicules électriques, mais qui ne fonctionneront pas avec le solaire. On est en train de rater la révolution des batteries parce qu’on a des acteurs historiques franco-français, très introduits politiquement (EDF, Peugeot, Total), qui verrouillent le système. Ils ne font pas rien, mais ils ne font pas grand-chose et l’Etat ne se sert pas de ses droits de vote ou de ses pouvoirs dans ces entreprises pour orienter les choses de manière constructive. A part faire des éoliennes pour faire joli, il n’y a aucune vraie stratégie énergétique. Il n’y a pas de substitution avec une véritable ambition sur le solaire.
Quatrième élément : les 80km/h. On a vu cette question uniquement sous l’angle d’un débat « Gilets jaunes » sur la liberté de circuler. Ce n’est pas un mauvais débat, mais ce n’est juste pas le seul. Une dimension du sujet a généralement échappé à tout ce beau monde : réduire la vitesse, cela a un coût pour l’économie. Or on est dans une économie qui fonctionne à flux tendu : zéro délai et zéro stock. Quand vous réduisez la vitesse moyenne sur les routes, vous ralentissez l’économie. Cela entraîne des coûts automatiques en termes de points de PIB. Le coût économique d’ensemble des 80km/h est facile à calculer. Vous prenez le taux de respect de cette norme et vous appliquez cela à l’ensemble de la flotte, et vous le calculez sur plusieurs années, cela coûte des dizaines de milliards d’euros. Et pourant vous avancez à côté de cela des réformes structurelles qui sont censées faire gagner des dizaines de points de PIB et qui, à chaque fois, sont évidemment fallacieuses, puisque quand on voit le nombre de réformes structurelles en France depuis vingt ans, on devrait avoir le PIB de la Chine. On oublie en fait de comptabiliser les anti-réformes structurelles. Pour différentes raisons, cette mesure a été heureusement peu appliquée : les Français sont fraudeurs, et puis la verbalisation est plus rare parce que certaines personnes ont compris que c’était une erreur. Comment expliquer cela ? Le Premier ministre impose en fait ce type de réglementations des 80km/h sans expérimentations concluantes : ce sont des décisions imposées, avec l’appui d’experts qui ont le même avis que le gouvernement. Il faudrait peut-être demander des contre-expertises avec des gens qui connaissent vraiment le sujet de la sécurité routière ou des spécialistes des transports. Il aurait fallu en tout cas être clair sur le coût économique.
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