Nos coups de coeur
Lire Balzac, ce n'est pas seulement suivre un récit, c'est aussi rencontrer le genre humain. Mais alors, qui est Balzac ? Écrivain à thèse ou romancier philosophe ? L'un utilise la littérature au bénéfice de ses options politiques, l'autre " écrit en image plutôt qu'en raisonnement ".
Cette distinction de Camus place Balzac au rang de ceux qui décrivent pour donner à penser. L'auteur de la comédie humaine en effet ne cherchait pas à prouver. Le service qu'il rendait à ses contemporains, c'était une vision claire et pertinente de leur propre société. Il lui suffisait de voir et de raconter. Ce monde parallèle qu'il crée en copiant le réel, explique Philippe Maxence, accuse déjà toutes la petitesse de la bourgeoisie affairiste, la médiocrité politique de la Restauration, le scrupule méticuleux de l'Administration, le lien de cause à effet qui relie la dissolution de la famille à l'individualisme matérialiste. Un tel portrait social touche à la fois certaines constantes de l'âme humaine et des structures politico-sociales naissantes à son époque, triomphante en la nôtre.C'est à la découverte de ce Balzac, anthropologue, analyste et visionnaire, que Maxence nous convie dans son Petit voyage politique en Balzacie. Il ne s'agit là ni d'une thèse littéraire, ni d'une histoire du romancier ou de son œuvre. Le Balzac de Philippe Maxence portraiture les hommes de son époque avec une clairvoyance qu'on voudrait imiter, et une vérité dont on reconnaît encore une survivance : parce que le Français du XXe siècle est le fils du bourgeois du XIXe. Balzac pensait selon le mode du récit et Philippe Maxence nous montre que ce récit baignait dans une double lumière : " J'écris à la lueur de deux vérités éternelles : la religion, la monarchie, deux nécessités que les évènements contemporains proclament, et vers lesquelles tout écrivain de bon sens doit essayer de ramener son pays. " Le petit voyage de Maxence est une initiation à la fois vive et efficace à une lecture renouvelée d'un auteur faussement connu.PIERRE LABROUSSEArticle paru dans "Liberté Politique" N°1