La mondialisation, c’est le formidable développement des technologies qui rend possible ce que l’on appelle « le village global ». Ainsi, l’échelle des choses devient planétaire. C’est un fait. Mais c’est aussi ce libre-échangisme économique et financier qui domine le « village global ».
Cette mondialisation-là est un choix mis en œuvre par ceux qui en ont le pouvoir. Elle est en marche mais n’est pas encore achevée.
Une étape importante pourrait être franchie avec le traité transatlantique, actuellement élaboré en toute discrétion par l’Union européenne et les États-Unis, sans que les États membres de l’Union n’aient pour le moment leur mot à dire.
Le traité transatlantique
L’objectif de ce traité est de limiter au maximum les obstacles douaniers et réglementaires aux échanges économiques et financiers entre les États-Unis et l’Europe. Le projet prévoit par ailleurs de créer des juridictions ad hoc permettant aux firmes de faire condamner les États. Nous devrions ainsi réparer le préjudice fait aux firmes s’il nous venait l’idée de resserrer, par exemple, la législation sur le gaz de schiste ou les OGM.
Le moment venu, le Conseil européen – c’est-à-dire les chefs d’État et de gouvernement –, ainsi que le parlement européen, devront se prononcer. Ce n’est pas gagné pour les firmes : même l’europhile et atlantiste Jean Arthuis a dénoncé la négociation en cours.
La version marchande de l’OTAN
C’est pourquoi ces firmes exercent un lobbying actif en faveur du traité, particulièrement via le Transatlantic Policy Network, qui regroupe de puissantes multinationales et des politiques, notamment des parlementaires européens. Sachez par exemple que le fédéraliste Alain Lamassoure, chef de file de l’UMP pour les élections européennes, en est membre.
Nous touchons là à l’un des aspects majeurs de la construction européenne :
- favoriser le libre-échange d’une part ;
- renforcer progressivement l’orientation atlantique de l’Europe d’autre part.
Le projet de traité transatlantique est en quelque sorte la version marchande de l’OTAN. Il consacrerait l’arrimage de l’Europe au capitalisme anglo-saxon et aux États-Unis. Son impact est donc également géostratégique. C’est la géopolitique euro-atlantique.
Dérive oligarchique
Dès l’origine, la plupart des pères de l’Europe, regroupés au sein du Mouvement européen, étaient des fédéralistes atlantistes soutenus par les États-Unis, à commencer par Jean Monnet, qui inspira en grande partie la déclaration Schuman de 1950.
Aujourd’hui, l’Europe euro-atlantique constitue l’un des acteurs majeurs de la mondialisation marchande, laquelle est un choix, un projet. Cette construction volontaire présente désormais le visage d’une dérive oligarchique. Autant de pouvoir concentré dans un aussi petit nombre de mains liées par des intérêts communs, à l’échelle planétaire, c’est inédit dans l’histoire. Cette réalité porte un nom : la prédation.
Cette prédation a réussi le tour de force de faire passer la notion de « protection » pour une valeur politique négative. Protéger constitue pourtant la substance même du politique : protéger le bien commun des appétits illimités des puissants, c’est élémentaire… Il est temps que la politique renoue avec ce qui est élémentaire, qu’elle renoue en quelque sorte avec elle-même.
Guillaume de Prémare
Chronique Radio Espérance du 23 mai 2014
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