Les semaines se suivent et se ressemblent tristement. Jean Castex a pris la parole pour nous annoncer que le second confinement se prolongeait, dans les conditions pitoyables que nous connaissons bien. Les éléments de langage employés par le premier ministre sont plus que révélateurs : il s’agit de ne pas « lâcher la bride », comme si nous étions des chevaux prisonniers d’un mors.
Le pays est exsangue, mais le gouvernement nous demande de faire « encore des efforts », alors même que des sondages révèlent que 2 Français sur 3 ne respectent pas le confinement. Comment voudrait-on qu’il en soit autrement, tant tout y est absurde ? L’assentiment à la loi, à l’ordre, à la règle, est rendu plus facile quand il est juste et équilibré : les tout jeunes enfants à qui l’on apprend la vertu d’obéissance le savent bien. Or, aujourd’hui, quel spectacle avons-nous sous les yeux ? Le toilettage pour chien est autorisé, mais pas le coiffeur. En grande surface, les produits interdits sont emmaillottés de scotch, mais il suffit d’aller parler à une caissière et de se rendre au guichet « click&collect » trois mètres plus loin pour récupérer l’article convoité, qui se retrouvera instantanément libéré par magie. Le summum de la folie est bien sûr atteint avec l’interdiction des messes publiques, tandis que les manifestations de croyants sur les parvis, faille du système, peuvent être juridiquement licites et validées en préfecture. Une parodie de gestion, pour des effets sanitaires éminemment contestables.
Le bon sens a déserté le cerveau de nos administrateurs depuis déjà un certain temps, mais ce confinement qui n’en est pas un leur donne l’occasion de se surpasser dans l’inepte. La crise sanitaire fait apparaître très clairement que les vertus que l’on prêtait naguère au « bon gouvernement » ont disparu de l’horizon. Pas de confiance, pas de souplesse, pas d’intelligence des hommes, des lieux et des faits, au nom d’une égalité républicaine mortifère. Pas non plus de cohérence ni de systématicité, ce qui laisse tout le monde dans l’incompréhension, avec la prolifération d’un sentiment profond de bêtise et d’injustice.
A 75 ou 80 ans, n’est-on pas libre choisir de terminer sa vie peut-être un peu plus tôt, mais entouré de l’affection des siens, plutôt que de grapiller quelques mois de solitude et de désinfection hydroalcoolisée ? A l’échelon local, le principe de subsidiarité est aux abonnés absents : ne serait-il pas plus probant de laisser aux maires des petites communes rurales la liberté et le soin de juger si leurs commerces, qui n’accueillent jamais plus de deux ou trois personnes à la fois, peuvent rester ouverts ? Ces élus de la République seraient-ils tous des irresponsables, incapables de discernement, qu’il faille décider pour eux du fond d’un bureau parisien ? Est-il normal que la même politique restrictive soit appliquée partout, sur les plages et dans les bois, en zone rurale et en zone urbaine ? Ou plutôt, appliquée partout où cela ne pose pas de problèmes, puisque nous savons bien que le non-droit prospère dans les fameux « quartiers » : en Seine-Saint-Denis des gérants de supermarché ont ainsi expliqué qu’ils ne condamneraient pas l’accès aux rayons de peur de représailles.
Voilà des années que nous sommes abreuvés de principes éducatifs imprégnés de gauchisme : l’apprentissage de l’autonomie, l’éducation « positive et bienveillante », l’explication plutôt que l’autorité, la prévention plutôt que la répression… Passe encore pour les enfants, mais pour les adultes ! Quand le gouvernement perd le nord et panique, tous ces beaux principes s’envolent au loin, et la chasse à l’attestation, qui permet au passage de remplir les caisses de l’Etat, fait office de seule politique.
Le monarque de la société traditionnelle recherchait pour ses sujets le salut. La révolution américaine revendiqua le droit à la recherche du bonheur. Aujourd’hui, nos gouvernants poursuivent la chimère d’une « santé » toute puissante, à laquelle il s’agit de tout sacrifier. Il est certain que l’épidémie a déjà créé des cohortes de nouveaux pauvres, pour pallier les insuffisances d’un système hospitalier victime depuis des décennies d’une incurie chronique. Mais au-delà des souffrances matérielles qu’elle génère, la gestion de l’épidémie permet que s’étende sur nous un régime arbitraire et despotique drapé dans les apparences de la respectabilité administrative.
M. Christophe Barbier, éditorialiste de L’Express, qui, il y a quelques mois, vantait l’efficacité de la Chine en matière de censure des mots non autorisés, nous explique aujourd’hui qu’il faudra interdire toute vie sociale à ceux qui refuseront le vaccin. Mais il paraît que nous vivons dans un régime de liberté... Il est piquant que ceux qui tiennent de tels propos et défendent une telle vision d’avenir soient les mêmes que ceux qui, en ce moment, déploient toute leur énergie à dénoncer la prétendue « dictature » de Donald Trump. Nous ne sommes plus à une contradiction près !
Constance Prazel