C’est la course contre la montre. Nous avons bien compris le message : depuis le discours d’Emmanuel Macron du 12 juillet, il faut voter le passe sanitaire, et le plus vite possible. Quel malheur que cela donne lieu à des débats... Nos gouvernants s’en passeraient bien : la démocratie, quel inconfort quand il s’agit de faire le bien de millions de petits sujets malgré eux !
L’absence totale de légitimité du président Emmanuel Macron et de ses collaborateurs n’est plus à démontrer. Il est arrivé au pouvoir par une mascarade d’élection, et son quinquennat n’aura pas fait grand-chose pour tenter de créer un lien avec le peuple qui l’a conduit à la magistrature suprême sans y croire. Les débats surréalistes qui s’enchaînent depuis quelques jours sur la question du passe vaccinal viennent dangereusement alourdir la barque.
Alors qu’Olivier Véran s’époumone pour que les débats s’accélèrent, nous assistons impuissants à une cascade de renoncements à des libertés fondamentales repoussant toujours plus loin les limites de l’imaginable : la possibilité de faire vacciner les enfants sans le consentement des deux parents, la suspension de salaire et le licenciement, le contrôle délégué aux simples citoyens…
On pourrait arguer du fait qu’en temps de peste bubonique, nous ne serions pas si regardants si le gouvernement était amené à prendre des mesures drastiques : la fermeté serait indispensable. Mais justement, nous ne sommes pas en des temps de peste bubonique. Dieu merci ! A quelle folie serions-nous confrontés, si au lieu de vivre une pandémie certes pénible, mais avec une létalité somme toute assez faible, nous étions frappés par une maladie répugnante et sans pitié, comme la peste ou le choléra ?
La mise bout à bout de ce que nous pouvons entendre et lire dans la presse, dans l’hémicycle, fait froid dans le dos par sa terrible cohérence incohérente.
Le passe sanitaire ne sera pas appliqué à l’Assemblée nationale dans l’hémicycle. Richard Ferrand, son président, s’y oppose, tout en démentant y être opposé. Il y aurait, nous dit-on, une atteinte à la pratique démocratique, et au principe de « libre exercice du mandat parlementaire ». La belle affaire ! Ainsi donc, l’Assemblée nationale, censée être la métaphore du peuple souverain, mérite un traitement dont le vrai peuple, lui, ne peut bénéficier ? Le scandale est d’autant plus saillant qu’un amendement demandant l’exclusion des bureaux de vote des lieux de mise en application du passe, proposé par le député Joachim Son-Forget, a été rejeté cette nuit. En ce qui concerne le libre exercice du droit de vote, on repassera.
Dans le même ordre d’idées, Jean Castex a dû revenir sur les rumeurs faisant état de l’obligation du passe sanitaire dans les écoles. Finalement, il n’en sera pas question : il ne faudrait pas créer de discrimination entre les enfants vaccinés et les non-vaccinés, voyez-vous. Tout cela est formidable : en reconnaissant que les enfants doivent être préservés des discriminations, il reconnaît implicitement que c’est bien le cas pour les adultes.
L’indignité qui frappe nos ministres n’est plus à démontrer. Ce n’est pas tant l’ajustement fréquent des politiques et les possibles changements de cap qui sont à déplorer : dans une situation de crise, ils sont inévitables. Nous sommes bien au-delà : le pouvoir baigne dans une contradiction violente, perpétuelle, et assumée. Les promesses, les engagements prononcés la main sur le cœur sont piétinés cyniquement. Les enregistrements, les captures d’écran alimentent le tribunal sans appel des réseaux sociaux : ils gardent la mémoire de ces renoncements, et n’en finissent pas, malgré les tentatives de censure, d’essayer de crier une autre vérité.
Ce qui restait de crédit à la parole politique achève de sombrer dans les eaux noires et profondes d’une démocratie moribonde. Ce n’est que le début : il suffit, pour s’en convaincre, de parcourir le rapport orwellien du Sénat sur la gestion des crises à venir par l’outil numérique. La Chine, en toute bonne conscience, y est présentée comme un modèle, avec un leitmotiv : plus d’efficacité passe par toujours plus d’intrusivité. Pourquoi, par exemple, ne pas bloquer les cartes bancaires des récalcitrants ?
Il reste une voie à explorer : la résistance du terrain. La mobilisation par le fait : les manifestations de samedi, le boycott de ce qui peut être boycotté. A l’échelle de la capitale, le mouvement #saccageparis nous a montré qu’on peut obtenir beaucoup en utilisant des voies parallèles quand les élections avaient tout verrouillé. A nous de faire ce qu’il faut pour empêcher le saccage définitif de la France.
Constance Prazel