La rémunération du président d’Alstom a déclenché une polémique nationale, soigneusement entretenue par les médias, et reprise par la classe politique. Que s’est-il passé très exactement ?

Le président du groupe, Patrick Kron, s’est fait accorder par son conseil d’administration une rémunération globale annuelle de l’ordre de 7 millions d’euros. Or, à une large majorité, l’assemblée générale du groupe a voté contre cette résolution.

La question qui se pose est la suivante : en matière de rémunération, les dirigeants peuvent-ils tout se permettre ? La réponse est dans la question : bien évidemment, non, et cela pour un certain nombre de raisons, dont voici quelques-unes :

-          Des écarts abyssaux de rémunération sont objectivement injustifiables. Comment peut-on admettre que la majorité des salariés français gagne moins de 20 000 euros nets par an, et qu’à un grand patron soit accordée une rémunération 350 fois supérieure ? Le simple bon sens interdit de tels écarts. Les rémunérations ont un double but : permettre à leurs bénéficiaires de vivre décemment, et récompenser le mérite. Quels que soient ses mérites, Patrick Kron mérite-t-il de vivre trois cent cinquante fois mieux et d’être récompensé trois cent cinquante fois plus que le salarié moyen ? Non, sans aucun doute.

-          Alors que l’économie française est dans une situation d’extrême gravité, marquée par un chômage massif, un endettement public mortifère, un commerce extérieur en ruine, une désindustrialisation galopante, une pauvreté en forte croissance, des rémunérations comme celle qui est proposée à Patrick Kron peuvent apparaître scandaleuses : la vertu de solidarité peut et doit être partagée par tous, même par les grands patrons.

-          Les entreprises en général, et Alstom en particulier, ont l’œil rivé sur la diminution des dépenses et l’accroissement de la productivité. Il en résulte que les dirigeants sont généralement très rigoureux en ce qui concerne les rémunérations de leur personnel. Les grands patrons doivent montrer l’exemple, car un dirigeant qui ne s’applique pas à lui-même ce qu’il impose à ses collaborateurs n’a guère de légitimité pour diriger.

-          Le système médiatico-politique se révèle systématiquement défavorable aux patrons : il est du devoir de ceux-ci d’intégrer cette donnée fondamentale dans leur stratégie de dirigeant. Cette stratégie inclut leur propre rémunération. Les patrons doivent en tenir compte, pour ne pas être fragilisés, et pour ne pas fragiliser leur groupe.

Le problème des rémunérations exorbitantes que s’accordent les grands chefs d’entreprise est à prendre au sérieux, et traduit, en tout état de cause, l’évolution du libéralisme tempéré vers un libéralisme libertaire sans aucun garde-fou, sans aucune limite, infiniment dangereux pour l’avenir du monde.

 

François Billot de Lochner,

président de la Fondation de Service politique,

de Liberté politique et de France Audace.