La semaine a été consacrée aux annonces fracassantes sur le déconfinement, permettant aux deux têtes de l’exécutif de se relayer pour tenter, pour la énième fois, de convaincre, de rassurer, de faire croire aux Français, qui n’y croient plus depuis longtemps, qu’il y a quelqu’un au gouvernail.
Le domaine de la culture a eu droit à un traitement particulier avec une allocution d’Emmanuel Macron au style très… personnel. Manches retroussées, mèche de cheveux en bataille, air halluciné, grands moulinets du bras… Les captures d’écran de son intervention qui circulent sur la toile sont si unanimes qu’il ne peut s’agir d’un cliché malheureux dû au hasard ou d’une image exceptionnellement mal cadrée : le président est tout simplement sur une autre planète, pour ne pas dire en plein délire. « Ça » gesticule, « ça » brasse de l’air, « ça » hausse les yeux au ciel… et « ça » ne veut pas dire grand-chose. Il est même question, entre autres choses lunaires, d’enfourchage et de domptage de tigre. A tel point que l’on pourrait avoir de sérieux doutes sur la sobriété du chef de l’Etat – d’alcool ou d’autre chose ? – mais l’on chassera bien vite cette mauvaise pensée, n’est-ce pas ?
Il ne faudra pas compter sur les grands médias pour relever les incohérences d’Emmanuel Macron : ils sont bien trop dépendants de grasses subventions pour oser dire tout haut ce que tout observateur un peu sagace ne peut s’empêcher de penser tout bas.
La forme, soit. Et le fond de ce discours, prononcé sous la surveillance rapprochée de Franck Riester, qu’en dire ? Il annonce le retour (mais a-t-elle jamais cessé ?), en fanfare, d’une culture d’Etat digne de l’ère de Jdanov. La culture, en France, ne peut survivre sans argent public, et il est certain que la crise du coronavirus ne va pas arranger les choses. Emmanuel Macron a ainsi annoncé, à plusieurs reprises, de grands programmes de commandes publiques, notamment aux moins de trente ans, avec le jeunisme qui le caractérise. Les Etats mécènes ont fait les grandes heures de l’Europe, mais aujourd’hui en France, le mécénat a toutes les apparences d’une servilité idéologique de la part d’artistes médiocres et complaisants à l’égard du pouvoir, pour créer de pseudo-œuvres qui ne parlent plus au public depuis longtemps et transforment la soi-disant exception culturelle française en naufrage artistique.
Et le patrimoine dans tout cela ? Il n’en sera pas dit un mot : le patrimoine est bien trop réactionnaire pour susciter l’empathie profonde de Jupiter, qui n’exhibe le pauvre Stéphane Bern que lorsqu’il a besoin de mettre un peu de fantaisie dans son terne quotidien. Macron s’est payé le luxe d’une visio-conférence de deux heures avec des représentants de tous les pans de la culture… mais rien ni personne pour représenter le patrimoine. Le patrimoine attendra… il continue d’être le parent pauvre d’un ministère de la Culture boursouflé d’orgueil, alors même qu’il génère emplois et richesses, plus que tous les autres secteurs sous la dépendance de l’administration de la rue de Valois. En fait de culture, il aurait été pourtant bien sage de le mettre en avant, de le valoriser, à l’heure où tout le monde se prépare à passer ses quelques jours de vacances dans notre beau pays de France, déserté par le tourisme international. L’enracinement local vaut pour les épinards et les fraises de saison : ne pourrait-il être aussi vanté et célébré pour donner un coup de fouet aux loisirs et la culture, justement, mais une vraie culture, celle qui modèle nos paysages, fait vibrer nos souvenirs, et qui n’est pas le fruit d’élucubrations idéologiques de quelques artistes mal inspirés ? Quoi qu’il en soit, les Français, dans les semaines qui viennent, auront bien besoin de se plonger dans cette source vive pour retrouver la foi dans l’avenir.
Constance Prazel
Rédactrice en chef de Liberté politique