Le président de la république n’est pas avare de slogans. En évoquant mercredi 24 mai un « processus de décivilisation » en Conseil des ministres, il n’était pas sans savoir que ses propos auraient des répercussions médiatiques et politiques. Encore une fois, chez Emmanuel Macron, la communication écrase la pensée.
En associant les violences « quelle que soit la cause » à un « processus de décivilisation », Emmanuel Macron a suscité la colère de la France Insoumise qui y a vu un clin d’œil à l’écrivain Renaud Camus. Une analyse un peu tirée par les cheveux alors que la communication présidentielle évoque plutôt la fameuse politique de civilisation que vantait Nicolas Sarkozy lors de sa campagne de 2017 (et que lui-même avait emprunté à Léopold Sédar Senghor).
Occuper le terrain à droite…
Alors que le débat sur l’immigration est en passe de revenir sur les bancs de l’Assemblée, le président lance un signal à l’électorat a priori de droite ou en tout cas inquiet des problèmes sécuritaires.
Un effet d’annonce en contradiction totale avec les politiques menées par Gérald Darmanin au regard du niveau croissant des violences. Les chiffres du ministère de l’Intérieur font état d’une augmentation de 24,6 % des coups et blessures volontaires en 2022 dans la capitale.
La sécurité est avant tout affaire de population et de crise sociale ; en faisant mine de cibler la violence en général, le pouvoir en place vise surtout la violence d’opposition. Ainsi, l’interdiction des manifestations qualifiées « d’ultra droite » s’inscrit dans un musèlement de l’opposition et surtout limite une liberté de manifester et de s’exprimer déjà bien touchée par la criminalisation de toutes les critiques à l’endroit du catéchisme progressiste diversitaire.
… mais s’appuyer sur la gauche
Si des manifestations de droite ont été interdites, celles des organisations d’extrême-gauche devraient bénéficier de plus de « bienveillance » de la part du pouvoir en place et cela pour des raisons politiques comme judiciaires, Emmanuel Macron et l’extrême gauche se revendiquent du progrès et les tribunaux penchent aussi largement à gauche, Ecole Nationale de la Magistrature oblige.
Les manifestants qui crient au fascisme à la moindre croix celtique ou au moindre bulletin de vote RN permettent au camp macroniste et plus généralement aux « partis de gouvernement » de préserver leur rente électorale par l’effet du cordon sanitaire. La droite parlementaire et ses deux têtes d’affiche Éric Ciotti et Bruno Retailleau ont appuyé des deux mains alors qu’ils bombent le torse à la veille du débat sur l’immigration. La position de suiveur n’est cependant pas profitable électoralement et en saluant, même avec des réserves, la formule du président, les LR s’enfoncent encore plus dans le piège présidentiel.
En s’appropriant le terme civilisation qui n’a guère été utilisé que par Éric Zemmour lors de la campagne de 2022, Emmanuel Macron envoie encore un signal contradictoire. Communiquant permanant, il a une nouvelle fois su guider le débat public. Partant d’une idée relativement consensuelle sur la lutte contre la violence, il en oublie que lui-même a été à l’origine d’une certaine violence tant par ses provocations multiples (affaire Benalla, « qu’ils viennent me chercher ») que par ses politiques restrictives des libertés, lui qui disait vouloir « emmerder » les non-vaccinés.
Olivier Frèrejacques
Délégué général de Liberté Politique
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