Cet entre-deux tours vire à un festival tourbillonnant de déclarations toutes plus contradictoires les unes que les autres, qui nous renseignent au plus haut degré sur le niveau de déliquescence idéologique et politique auquel est arrivé, en particulier, la droite dite gouvernementale
La grande presse, Figaro en tête, a volontiers mis en valeur la spectaculaire « remontée » de la droite qui, parcourant les plateaux de télévision et de radio depuis le premier tour des régionales, veut se persuader qu’elle incarne vraiment la seule opposition à Emmanuel Macron. Un décryptage s’impose pour remettre de la vérité et du bon sens dans toutes ces postures.
Tout d’abord, s’il est vrai que trois président sortants « de droite » arrivent en tête de leur région, il faut tempérer cet enthousiasme. Xavier Bertrand bénéficie de 43 % des suffrages en Hauts-de-France, mais fait moins de voix qu’en 2015, démobilisation de l’électorat oblige. Même phénomène pour Valérie Pécresse, qui a perdu près de 200 000 voix entre les deux scrutins. Même Laurent Wauquiez, qui pourtant bénéficie apparemment d’une véritable dynamique, a perdu plusieurs centaines de milliers de voix.
Il faut souligner aussi le flou artistique qui entoure cette notion de « Républicains ». Xavier Bertrand n’en fait plus partie, Valérie Pécresse non plus, mais ils jouent avec le terme : une appartenance fluctuante qu’ils ne démentent pas, et qu'ils utilisent au gré de leurs besoins et de leurs ambitions. Quant à Renaud Muselier, il multiplie les étiquettes en s’affichant LR – LREM – UDI – MODEM et ne rechignerait pas à en ajouter quelques-unes de plus sur sa gauche s’il pouvait grâce à elles être sûr de garantir sa réélection.
Quelle cohérence ces ténors que l’on voudrait rassembler derrière une bannière commune affichent-ils au niveau national ? Valérie Pécresse place Laurent Saint-Martin de LREM parmi ses opposants tout en lui faisant les yeux doux, tandis que Renaud Muselier s’affiche aux côtés du même parti. La droite qui se prétend gouvernementale est depuis longtemps perdue, sans stratégie, sans convictions et sans valeurs. Comme le dit l’expression familière, « ils ne savent plus où ils habitent ».
Par-dessus tout, nous en voulons pour preuve le concours dramatique et effréné de propos et d’attitudes indignes auxquels tous se sont adonnés cette semaine, et dont nous vous offrons un florilège. Xavier Bertrand martèle qu’il vaut mieux s’allier aux communistes qu’aux identitaires. Les 100 millions de leurs victimes dont est ensanglanté le XXe siècle seront certainement honorés par cette déclaration. Dans certains cantons, pour les départementales, les Républicains n’ont aucune honte à s’afficher sur des tracts communs avec le PS et le PCF, tandis que des militants de La France Insoumise sont recrutés pour distribuer des tracts LR, rejoints par Olivier Véran qui se propose d’aller coller des affiches pour Muselier. Quant à Valérie Pécresse, assaillie par un trio gauchiste patibulaire, formé par Julien Bayou, Audrey Pulvar et Clémentine Autain, elle retrouve soudainement quelques mérites à un discours bourgeois gentiment conservateur pour rassembler ses troupes et envoie ses soutiens draguer les associations familiales... Un retournement suspect, alors qu'elle faisait il y a encore quelques jours le grand ménage de tous ceux qui auraient pu être soupçonnés d’être un peu trop à droite, et qu'elle accordait sa confiance à une colistière dénataliste dont les propos pourraient être avalisés par le Parti communiste chinois. Nous remettrons enfin la palme à Renaud Muselier, qui non content d’expliquer, à la demande de Christian Estrosi, qu’il faut faire de la place pour la gauche, justifie son engagement contre le RN au nom de la promotion des droits homosexuels.
Il est évident que toutes ces considérations sont à lire à l’aune de la dramatique abstention qui a atteint des niveaux inégalés. Mais quand on voit une telle avalanche de compromissions et de reniements, comment s’étonner de la perte de confiance qu’ont les Français dans la politique ? Fondamentalement, il n’est pas sûr qu’ils s’en désintéressent. Ils prennent simplement acte de l’indignité suprême de leur classe politique. A nous d’y voir un motif d’espoir.
Constance Prazel