Pour cet éditorial de fin de semaine, 1er mai oblige, il sera question de travail. Alors que la réforme des retraites a provoqué la colère de nombreux Français et opposé des visions éloignées de l’économie, ce jour nous rappelle l’importance du labeur dans nos existences.
Le temps du travail
Les débats sur le temps de travail ont été l’objet d’affrontements idéologiques et d’échecs économiques. Les 35 heures de Martine Aubry en 2000 n’ont pas encouragé l’emploi et les 32 heures réclamées par certains syndicats et partis de gauche apparaissent assez déconnectées de la vie des entreprises et encore plus des indépendants.
La réalité du travail contemporain est plus complexe qu’elle ne pouvait l’être il y a vingt-trois ans. La France est encore plus tertiarisée et l’hyper-numérisation a bouleversé notre rapport à l’activité professionnelle. Le temps de travail est aujourd’hui difficilement quantifiable dans plusieurs professions et la généralisation du télétravail a intensifié une confusion entre vie personnelle et vie professionnelle déjà largement induite par le recours au numérique.
La question est d’autant plus sensible que le temps de travail effectif pourrait être différencié du temps de présence en entreprise. La rentabilité variable de travailleurs par nature inégaux rend d’ailleurs ces calculs compliqués voire impossibles.
Quel monde veut-on ?
S’il est bon de s’occuper et d’échapper à l’oisiveté, n’en déplaise aux défenseurs de la paresse, le travail ne doit cependant pas constituer un fardeau mais être l’occasion de se sanctifier et autant que possible de s’épanouir. Le respect dû au travail, et donc avant tout aux travailleurs, est d’ailleurs l’affaire de tous et commence avec les efforts de chacun avec la propreté dans les entreprises, le respect de l’outil de travail, du client, du fournisseur…
Les récents débats autour du revenu universel donnent aussi matière à réflexion. Si le principe peut agacer, le fait d’évoquer sa création ramène à un problème plus important : la perte de sens. Ici et là fleurissent les témoignages de jeunes cadres quittant leur emploi perçu comme inutile au profit d’un métier artisanal. Le sens du travail et le sens donné à notre travail sont beaucoup plus importants que la séparation (saine) entre professionnel et personnel qu'on ne pourrait le croire. Le travail est un accomplissement et représente ainsi un besoin de l’être humain.
L’homme avant la machine, l’homme avant le capital
L’économie de marché est imparfaite. Son alternative marxiste au moins tout autant. Faute de changer un système économique finalement assez naturel car reposant sur des rapports de force, il revient aux travailleurs eux-mêmes de s’imposer face à des comportements ou des changements qui leur paraîtraient dangereux et remettraient en cause la dignité due à chacun. La notation des professeurs par leurs élèves, les systèmes de vidéosurveillance dans les entrepôts, les différentes formes de harcèlement sont autant de problèmes qui ne reculeront jamais avec des lois mais marqueront un coup d’arrêt quand les travailleurs prendront conscience de leur capacité à agir ensemble. Le désamour pour des syndicats majoritairement à gauche et devenus souvent des planques semblent empêcher une implication plus large des travailleurs dans des associations ou tout au moins rebuter ceux qui demain pourraient constituer des chefs de file utiles pour défendre le bien commun.
Olivier Frèrejacques
Délégué général de Liberté Politique
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