Du jamais vu dans l’histoire récente : une victoire sportive (et quelle victoire !) qui n’est rigoureusement d’aucune utilité à la popularité du Président de la République. Et pour cause, est venu quasiment instantanément prendre sa place dans l’esprit des Français ce qui est en train de prendre les proportions d’un des plus gros scandales de la Vème République, l’affaire Benalla-Macron. Si on ne peut même plus compter sur le foot pour remonter dans les sondages, c’est à désespérer du monde post-moderne.
Quels sont les faits ? Aussi ténébreux soient-ils, ils sont maintenant bien connus. Un membre de la garde rapproché d’Emmanuel Macron, Alexandre Benalla, a été filmé faisant usage d’une violence rare contre des militants dans le cadre des manifestations du 1e mai, portant les insignes d’une fonction qui n’est pas la sienne. Au lieu de le sanctionner de manière exemplaire, l’Elysée a préféré contourner l’obstacle, l’intéressé ayant continué pendant plusieurs semaines à exercer et à se maintenir dans l’entourage (très) proche du Président. Depuis que l’affaire a été dévoilée, le silence officiel et poli de la Présidence côtoie les déclarations contradictoires des notables, à mesure que l’on découvre l’indulgence et les privilèges inouïs dont a bénéficié l’individu : pêle-mêle, appartement de fonction quai Branly, là où avait été hébergée Mazarine Pingeot, laissez-passer, autorisation de port d’arme sans l’entraînement et la formation qui vont avec, et pour couronner le tout, un grade de lieutenant-colonel dans la réserve de la gendarmerie, à l’âge de 26 ans.
On entend quelques esprits blasés nous dire qu’on fait décidément bien du bruit pour ce qui ne reste que le débordement passager d’un sous-fifre de la République, et un épisode raté de communication élyséenne. On en a vu d’autres. Benalla n’est ni le premier, ni le dernier à profiter de privilèges exorbitants, et ce n’est pas la première fois que l’Elysée se prend les pieds dans le tapis.
Au passage, évidemment, un soupçon de racisme viendra frapper ceux qui critiquent un peu trop vertement un garde du corps plus Benalla qu’Alexandre. Il va sans dire que si ce même garde du corps s’était appelé Vladimir Soloviev, il n’aurait pas fallu longtemps pour qu’on dénonce une ingérence des services secrets poutiniens. Mais Alexandre Benalla ne saurait, lui, être suspecté d’avoir des accointances avec une puissance étrangère.
Mais le problème cesse d’être un fait divers quand, par exemple, le directeur de l’ordre public et de la circulation en arrive à dire tout et son contraire à quelques heures d’intervalle alors qu’il est supposé être sous serment. Ou encore lorsqu’on apprend qu’un personnage au plus près de l’entourage du Président possède la liberté de se promener où bon lui semble dans l’hémicycle, au mépris de la séparation des pouvoirs, mais qu’on ne connaîtra pas sa rémunération, au nom, justement, de cette même séparation des pouvoirs.
Les faits ne passent pas car ils surviennent dans le ciel immaculé de l’exemplarité macronienne, sous une présidence qui avait porté à un degré jusque là rarement atteint la propension à donner des leçons avec une bonne conscience étouffante.
Dans ces circonstances, une telle avalanche de mensonges, silences, témoignages et contre-témoignages, comme on a vu se succéder ces derniers jours, ont de quoi susciter la sidération puis la révolte. Le scandale a pris de telles proportions, sur la toile, que même les ô combien célèbres hashtags #metoo, ou, plus symbolique encore, #jesuischarlie, ont été relégués aux oubliettes de l’histoire du web.
Nous ne croyons pas en la vertu de la transparence qui n’a pas grand-chose d’évangélique. Mais nous croyons en la Vérité. Espérons que ce scandale, où qu’il nous mène, rappelle à nos dirigeants qu’on ne méprise pas impunément et éternellement le peuple.
Constance Prazel
Déléguée générale de Liberté politique