C’est désormais officiel : après un vote étalé sur une semaine pour cause de coronavirus, les Russes viennent d’approuver à plus de 75 % les propositions d’amendements à la constitution de la Russie, dans la perspective de l’échéance de 2024, qui aurait dû marquer le début d’un « après-Poutine » pour la puissance mondiale.
Si l’actuel président veut se représenter, il peut désormais le faire et prolonger son gouvernement qui dure depuis maintenant vingt ans. Les commentateurs occidentaux sont obnubilés par cette question, crient à l’autocratie, mais il est essentiel de voir dans le vote des Russes autre chose que la simple perpétuation du pouvoir en place, la question de la remise à zéro des compteurs pour la fonction présidentielle ayant d’ailleurs été assez peu mise en avant par la communication officielle durant la campagne, et n’étant que l’un des – nombreux – aspects de la réforme constitutionnelle.
Le contenu des amendements qui ont été votés est saisissant. Trente ans après l’effondrement de l’empire soviétique, dans un pays qui a persécuté prêtres et religieux, qui a érigé des musées à la gloire de l’athéisme, et a eu à cœur de faire voler en éclats les cadres de la famille « bourgeoise », voilà que les Russes ont choisi de graver dans le marbre les fondements de notre civilisation occidentale chrétienne : Dieu, la foi, et la famille, fruit de l’union d’un homme et d’une femme. Un triptyque que notre classe politique officielle s’obstine, en France, à repousser de toutes ses forces, et à désunir délibérément, avec les conséquences dramatiques que l’on sait sur le délitement de notre société, attaquée dans ses soubassements les plus élémentaires.
Les amendements à la constitution inscrivent la Russie dans le temps long, « unie par une histoire millénaire, préservant la mémoire des ancêtres qui nous ont transmis les idéaux et la foi en Dieu…» Qu’il est rassurant de savoir que dans la guerre cruelle qui a opposé les cadres sanguinaires du Parti aux fragiles grands-mères russes, qui ont transmis la foi en allumant leurs petites bougies dans le secret, ce sont ces dernières qui ont gagné ! Une telle assertion n’empêchant d’ailleurs pas la mention de l’Etat russe comme un « état laïc », conformément au texte initial de 1993. Il n’y a que dans les esprits pervertis de nos hommes politiques abreuvés de franc-maçonnerie qu’il y a une incompatibilité : la Russie a peut-être été une dictature pendant soixante-dix ans, mais aujourd’hui il est plus facile d’y défendre la vision politique qui est la nôtre qu’en France, où la défendre peut vous conduire à l’opprobre publique quand ce n’est pas au procès.
Le pape Jean-Paul II nous rappelait à nous autres Occidentaux sécularisés et desséchés, à l’âme appauvrie, de regarder à l’est car là se trouvait une source profonde de renouveau spirituel. Vladimir Poutine vient d’en apporter la preuve. Avec ou sans Poutine, nul ne peut prédire quelle voie empruntera la Russie dans les prochaines années, mais le chemin parcouru depuis les années 1990, alors que tant d’analystes, de journalistes, d’observateurs autorisés annonçaient l’effondrement inéluctable du colosse et sa disparition de la scène internationale, est inouï.
Les esprits chagrins soulignent qu’avec cette réforme constitutionnelle, la Russie poutinienne « regarderait vers le passé ». Mais de quel passé parle-t-on ? Le passé de la Russie est soviétique. Le retour à la foi, au contraire, marque son entrée dans l’avenir.
François Billot de Lochner
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