L’élection de Donald Trump à la tête des États-Unis ainsi que la victoire de la droite américaine au Sénat et à la Chambre des représentants a suscité l’émoi à gauche et au centre en France et dans tout l’Occident. Sans gâcher notre plaisir de voir Kamala Harris et sa funeste équipe démocrate et néocons perdre, il convient d’analyser froidement ce succès des Républicains américains.
C’est parfois la défaite des uns qui réjouit plus que la victoire des autres. Dans le cas de Donald Trump, une chose est certaine, ses adversaires étaient dangereux à de nombreux égards et leur défaite peut être considérée avec soulagement. Les Démocrates américains, biberonnés aux théories dites « woke », à l’obsession minoritaire et à la fuite en avant migratoire envoyaient un message dangereux pour tous les États placés plus ou moins directement sous la coupe de Washington et dont fait partie la France.
Trump, aussi vulgaire et sulfureux soit-il, est parvenu à enclencher une véritable révolution de la fierté au cœur de la droite étasunienne. Sans tabou, isolationniste, pro-vie, il a fait bouger les lignes là où l’« establishment » républicain était bridé par la culture de gauche dominante dans le pays.
Tout reste à faire pour les uns, à refaire pour les autres
L’enthousiasme en matière de politique est mauvaise conseillère et il serait risqué d’attendre des miracles du président élu de l’autre côté de l’Atlantique d’autant que si « miracles » il y a, ce sera pour son pays, pas le nôtre. Vainqueurs auprès du Sénat et de la Chambre des représentants, les conservateurs américains sont aussi majoritaires à la Cour suprême, un alignement de planètes qui laisse penser que Donald Trump a toutes les cartes en main. La partie ne sera pas évidente pour autant car le pays demeure extrêmement polarisé alors que seulement 5 millions de voix séparent les deux concurrents et que la campagne a montré des antagonismes très forts entre les deux camps.
En face, la gauche déconfite devrait se replier sur le créneau « droit civique » et comme l’a annoncé Kamala Harris, se réfugier derrière la Constitution. La bataille électorale terminée et une fois les règlements de compte internes finis, les Démocrates devront se reconstruire et ils pourraient tenter de faire leur unité contre le nouveau président.
Des vocations « souverainistes » à gauche et au centre
Emmanuel Macron aura été l’un des premiers chefs d’État à féliciter Donald Trump. Un pragmatisme bienvenu qui a été suivi de déclarations du président français et de responsables politiques sur la nécessité de recouvrir notre souveraineté et notre puissance. Emmanuel Macron a ainsi déclaré : « ce moment, c'est celui où l'on décide d'agir, de défendre nos intérêts nationaux et européens en même temps, de croire dans notre souveraineté et autonomie stratégique ». À gauche, le pourtant très atlantiste Raphaël Glucksmann s’est aussi senti pousser des ailes souverainistes tout comme son compère communiste Fabien Roussel. Ces discours reviennent en quelques sortes à dire que la France, ou l’Europe, n’auraient pas eu besoin de renouer avec leur souveraineté en cas de victoire de Kamala Harris. Un tel raisonnement est tout bonnement absurde, les démocrates américains, Obama en premier lieu, ne faisaient pas de cadeaux à l’Europe dans le cadre de la guerre économique qui se joue dans le monde comme a pu l’expliquer Christian Harbulot dans son ouvrage Le nationalisme économique américain. Donald Trump fera du protectionnisme avec grand fracas là où la gauche américaine le faisait probablement plus discrètement.
Des réactions en trois temps ?
À court terme, il risque d’y avoir un effet boomerang négatif. Ainsi, quand la Cour suprême américaine a rendu à chaque État sa liberté de légiférer en matière d’avortement, les parlementaires français se sont empressés de constitutionnaliser l’IVG. La réaction du législateur français par rapport aux actions du législateur américain peut ainsi être envisagée dans une certaine mesure.
À moyen terme l’avènement d’une droite décomplexée aux Etats-Unis peut faire des émules en France et en Europe et déplacer le curseur idéologique. L’émergence d’un « Trump à la française » demeure cependant improbable. Imprégné de libertarianisme, le discours du président fraîchement élu ne connait guère d’échos en France. Si Jordan Bardella a donné des gages libéralisant dans son livre autobiographique, son parti demeure ancré dans une ligne sociale qui semble participer de son succès. La droite Les Républicains, semble, elle, assez éloignée de la ligne décomplexée des trumpistes… Éric Ciotti semble à certains égards le plus proche de ce qu’incarne Donald Trump aux États-Unis, les milliards et le charisme en moins. Comparaison n’est pas raison, la culture française semble incompatible avec l’émergence d’une figure analogue à Trump qui a fait son succès dans le sillage du mythe de la « success story » à l’américaine.
À long terme enfin, la France et d’autres États européens pourraient envisager plus d’autonomie stratégique et économique. Une telle hypothèse ne pourra voir le jour que si Donald Trump a des « héritiers » fidèles à une ligne isolationniste car il ne sera là que pour 4 ans.
Évènement politique majeur de cette année, l’élection de Donald Trump peut changer la face de l‘Europe et d’une partie du monde. La résolution de la crise ukrainienne promise par le candidat républicain sera un test grandeur nature. Sa présidence peut aussi avoir des répercussions plus difficilement décelables pour l’heure sur les conflits israéliens au Proche-Orient. Sa victoire contre le camp démocrate rend en tout cas possible des changements d’importance là où Kamala Harris aurait entraîné les États-Unis et le monde occidental dans une forme de continuité médiocre.
Olivier Frèrejacques
Président de Liberté politique
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