Au retour des vacances, un nouveau député, le 35e, a décidé de quitter le groupe parlementaire de la majorité gouvernementale. La majorité LREM à l’Assemblée nationale s’érode et s’use, les rats quittent le navire, mais c’est précisément le moment que choisit Christian Estrosi pour rejoindre le radeau de la méduse.
Dans un entretien au Figaro paru en début de semaine, il affiche clairement sa volonté de « passer un accord avec Emmanuel Macron » pour la présidentielle 2022, afin qu’il soit ce candidat commun fantasmé de la « droite et du centre » qui est depuis des années – depuis Valéry Giscard d’Estaing pourrait-on dire – le moyen le plus sûr de vider la droite de toute substance. Rassurons-nous, l’intention est noble : « ne pas gâcher les talents de la droite. » Les talents ou les carrières ? La formule a de quoi faire sourire. Estrosi prend acte, avant même de se battre, de la défaite prévisible du parti des Républicains, un parti qui court donc le risque de regorger de politicards sans emploi s’ils ne retournent pas leur veste à temps, comme on dit familièrement. De convictions il n’est pas question ; Christian Estrosi ne saurait s’embarrasser de telles mesquineries.
Evidemment, une fois lâchée cette bordée, les « ténors » républicains ont eu tôt fait de s’indigner et de protester. Christian Jacob réplique dans Le Parisien et juge la proposition d’Estrosi « surréaliste et aberrante. » Nadine Morano qui n’a plus grand-chose à craindre et assume désormais son franc-parler lève les yeux au ciel. En guise de réplique, Jacob met en avant une esquisse de programme pour l’avenir qui tiendrait dans une triade énergique : « liberté, autorité, progrès ». Cela sonne bien, a une certaine allure, mais le détail, une fois de plus, manifeste soigneusement le souci d’éviter les sujets qui fâchent. La liberté est tellement bafouée par le régime actuel qu’on met facilement tout le monde d’accord quand on souhaite la remettre à l’honneur sans qu’il soit nécessaire d’être précis. L’autorité est un terme fourre-tout qui évite d’utiliser de vilains mots recouvrant une vilaine réalité : la nécessaire reprise en main d’un pays en lambeaux, gangréné par l’islam, et « ensauvagé » par des décennies d’immigration et de laxisme. Quant au progrès, il est le mot-joker, l’assurance commode du politicien de droite qui le dégaine quand il ne veut pas apparaître comme un méchant conservateur réactionnaire. La vérité est qu’à tout prendre, Christian Estrosi est peut-être le plus cohérent de toute la bande. La vie politique française a été atomisée par le blitzkrieg macronien de 2017. Au milieu des décombres gisent le PS et LR. Il y a une certaine cohérence de la part d’Estrosi, car il sait bien, in fine, que le parti des Républicains ne va pas franchement proposer quelque chose de différent de la soupe centriste d’Emmanuel Macron, qui pioche déjà allègrement dans les rangs LR pour composer son personnel de gouvernement. Pourquoi préférer la copie à l’original ? A copieur, copieur et demi, et la vieille formule de Jean-Marie Le Pen peut ici être recyclée bien à propos. Les caractères distinctifs existent : le sociétal, par exemple, mais les Républicains n’en feront jamais une ligne de démarcation.
Que retenir de cette vaste fumisterie, dans laquelle la presse joue sa partie, en distillant l’idée qu’Edouard Philippe serait jugé comme l’homme de la situation pour les sympathisants LR ? Les Républicains sont en passe de devenir une force politique inaudible, engagée sur la voie que connut jadis le Parti radical sous la IIIème puis la IVème République, avant de finir par disparaître corps et biens. Déjà, en 2017, Liberté politique rappelait, en soutenant un candidat aux législatives à Versailles, qu’il n’y avait rien à attendre de la droite dite gouvernementale. Il reste encore de longs mois avant la présidentielle de 2022 : le champ des possibles est ouvert, même le plus inattendu peut survenir. Une seule certitude : demi-mesures et atermoiements centristes n’empêcheront pas le naufrage de la France !
Constance Prazel