Malgré une agitation qui a pu laisser croire que la France jouait le jeu anglo-saxon face à l'inertie allemande, c'est en définitive au modèle allemand que Nicolas Sarkozy s'est rallié dans la gestion de la crise.
Le dernier sommet européen de Bruxelles qui devait terminer en fanfare la présidence française, est passé relativement inaperçu. Hors la décision fort peu démocratique de refaire voter les Irlandais, il a été question d'un plan climat adopté à l'unanimité mais qui n'est, on le sait, qu'un plan a minima.
Le projet de relance européenne est, lui, passé à la trappe sans que cet échec ait fait la une d'aucun journal. Chaque pays fera dans son coin son petit plan de relance. Pourtant que n'avait-on entendu au cours des semaines qui avaient précédé ? Sarkozy menait tambour battant, en accord avec le Royaume-Uni et avec l'appui de la plupart des autres pays et même de la Commission une offensive pour contraindre les Allemands à se rallier à une politique de relance de grande envergure, analogue à celle des Anglo-Saxons.
On ne peut être il est vrai que frappé du contraste entre le comportement des Anglo-Saxons et celui des Européens su continent, Allemagne en tête, dans la crise.
La responsabilité des Anglo-Saxons est sans nul doute beaucoup plus lourde que celle des Européens. On ne l'a pas assez dit : les subprimes furent d'abord un phénomène du marché intérieur américain. Sur leur propre marché intérieur, les banques européennes (Anglais et Espagnols mis à part) furent au cours des années qui ont précédé la crise extrêmement prudentes. C'est l'excès de liquidité qu'elles ont placé sur le marché américain des produits dérivés qui les a impliquées dans la crise.
Même si les Américains sont bien plus responsables de la crise que les Européens, dès qu'il s'agit de rebondir, le contraste est en sens inverse : d'un côté, des Anglo-Saxons d'une réactivité surprenante, engageant des sommes considérables à la fois pour secourir le système bancaire et pour relancer la production ; des mesures drastiques telles la dévaluation de 30 % de la livre sterling. Les Anglo-Saxons n'ont même pas hésité, du jour au lendemain, pour faire front, à renier leurs principes séculaires : larges prises de participation de l'État dans les banques aux États-Unis, prise de contrôle à 50 % au Royaume-Uni.
De l'autre côté, sur le continent, le contraste est cruel. Certes, si les montants en jeu pour sauver les banques sont moins importants, c'est qu'elles sont moins atteintes par la crise. Mais s'agissant de la relance de l'économie, les sommes avancées par la France sont faibles : 26 milliards d'euros, et encore ne s'agit-il pour une partie que de l'habillage de crédits déjà programmés. Le plan allemand se réduit à presque rien en dehors de la volonté bien réelle de sauver ce symbole national qu'est l'industrie automobile. On tient pour une grande audace que la BCE ait, pour la première fois de son histoire baissé ses taux d'intervention de 0,75 % (une baisse qui soit dit en passant n'est nullement répercutée par le système bancaire français) pour les ramener à 2,5 %. Mais c'est bien peu auprès de la Fed descendue à 0 %.
Où se situe la France ?
Face à ces réactions totalement dissymétriques, reflet de deux tempéraments économiques très différents, où se situe la France de Sarkozy ?
À entendre les médias, à considérer les gesticulations du président : nul doute, sa mobilité, sa réactivité sont de type anglo-saxon. Mme Merkel réfléchit, moi, j'agis , dit-il. Il aurait ainsi réussi à isoler l'Allemagne.
Oui, mais l'Allemagne n'a pas cédé. Et si l'on considère, non pas les discours mais les actes, à quelques habillages près, c'est sur l'Allemagne que la France s'est alignée.
Pour qu'il en aille autrement, il eut fallu faire plier significativement la politique de la Banque centrale européenne ou celle du gouvernement de Berlin. Si M. Trichet s'est un peu assoupli – un peu seulement – il n'en a rien été de Mme Merkel qui a ignoré les gesticulations françaises. Faute d'arriver à faire plier les Allemands, les Français pourraient menacer de sortir de l'euro. Mais de cela non plus il n'a pas été question.
Nicolas Sarkozy n'a même pas utilisé la marge de manœuvre que lui laissait l'Europe : assortir l'appui aux banques d'un contrôle plus strict de celles-ci pour les inciter à prêter. Bien au contraire, les facilités qui leur ont été consenties ne sont assorties chez nous ni d'une prise de contrôle ni même d'une obligation de remboursement. Idéologie, timidité : N. Sarkozy est resté, dans ce domaine, à des années lumières des audaces d'un Gordon Brown à qui rien pourtant rien ne l'empêchait d'emboîter le pas. Comment contraindre les banques françaises de prêter davantage aux PME et aux particuliers afin d'éviter la récession ? La nomination d'un médiateur, l'appel à l'intervention des préfets apparaissent comme des palliatifs dérisoires par rapport à l'ampleur du problème.
Sans doute les audaces anglo-saxonnes recèlent-elles des dangers : celui de relancer l'inflation au niveau mondial. Mais la timidité de la zone euro en recèle un au moins aussi grave : que l'Europe continentale s'embourbe dans une récession à la japonaise, traînant pendant des années une économie essoufflée, incapable de trouver un nouveau ressort, pendant que s'y poursuivrait la désindustrialisation.
Il ne servait à rien de tant s'agiter si c'était pour demeurer, quant au fond, le toutou discipliné de l'Allemagne.
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