Source [www.genethique.org] Avec la loi de bioéthique « nous touchons à l’intime, à la conception de l’être humain, au corps et à la relation si complexe entre technologie, science et progrès. Nous touchons à ce qui constitue chacune et chacun d’entre nous », affirment 15 députés[1] dans une tribune publiée le 22 juillet dans le journal Le Figaro. Alors la révision de cette loi « programmée depuis deux ans méritait un débat parlementaire approfondi, un débat transparent et serein, un débat sans passion et sans faux-fuyants ».
Même s’ils regrettent la « contrainte de temps », les députés estiment que « le débat en première lecture à l’automne dernier fut de qualité ». Mais, « a contrario, en deuxième lecture, la volonté du gouvernement d’aller au plus vite, son incroyable absence en commission spéciale, et un passage en séance publique en catimini lors des tous derniers jours de la session extraordinaire (entre le 27 juillet et le 1er août) et de façon ″saucissonnée″ entache cette révision d’un grave déni démocratique » selon les 15 parlementaires. Dénonçant « l’annonce par le président de l’Assemblée nationale qu’il n’y aurait pas de vote solennel sur ce texte », ils déclarent que « se contenter d’un vote à main levée au petit matin du samedi 1er août ou durant le week-end en dit long sur l’affront fait au Parlement et à nos concitoyens... ».
Pour les signataires de la tribune, il y a « quelque chose d’indécent à vouloir satisfaire quelques intérêts purement catégoriels au moment où notre pays n’est pas sorti de la terrible crise sanitaire qui l’a frappé et où la crise économique et sociale inédite qui en est la conséquence directe va profondément bouleverser la vie de millions de nos compatriotes ». « Sous la pression d’une partie de la majorité, des lignes rouges remettant en cause la conception éthique qui a prévalu jusqu’à présent dans notre pays, et qui assuraient un équilibre entre les Français, ont été allégrement franchies, affirment-ils, ceci avec une légèreté déconcertante en l’absence des membres du gouvernement censés apporter de la tempérance dans un projet de loi gouvernemental si particulier. »
Ainsi, « au-delà même de l’ouverture de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes qui transforme une technique médicale en instrument social du droit à l’enfant, le don dirigé d’ovocyte pour sa conjointe aussi appelé ROPA qui avait été écarté en première lecture a été adopté par la majorité LREM » indiquent les députés. Et « l’encadrement strict de la recherche embryonnaire a également été sacrifié sur l’autel du scientisme et de l’éthique ″low cost″ d’une gauche libertarienne qui a pris le pas sur la raison gouvernementale, affirmée la main sur le cœur en première lecture » regrettent-ils. Un « abaissement des barrières éthiques opéré par le projet de loi » qui « ouvre la porte à la gestation pour autrui, même si les protagonistes du texte s’en défendent aujourd’hui pour tenter de sauver les apparences ». Et « un basculement anthropologique majeur où le vouloir et la toute-puissance de la science dominent désormais la réalité biologique ».
Pour Philippe De Roux, entrepreneur social et membre du conseil du parti Refondation, et Patrice Obert, président des Poissons roses, « les larmes du député En Marche Vincent Thiébaut, père de deux jumeaux sourds profonds exhortant de ″ne pas jouer aux apprentis sorciers″, les mises en garde des partis animalistes contre la création d’embryons chimères mêlant des cellules humaines et d’animaux (cf. Chimères hommes-animaux : des associations de défense des animaux s’insurgent), les alertes des associations prenant soin des personnes en situation de handicap contre l’accélération des dérives eugéniques, les doutes des responsables des Centre de Conservation des Œufs et du Sperme face à l’aggravation de la pénurie de gamètes avec l’élargissement de la PMA à des femmes ne souffrant pas de pathologie, tout cela ne semble compter pour rien face au rouleau compresseur d’un petit groupe de parlementaires en roue libre, se jouant de toutes les limites ». « Alors que la Chine a fait sauter tous les verrous éthiques en la matière, obtenant par la contrainte d’ouvrir la voie aux expérimentations dignes du Meilleur des Mondes, la France y court, dans un esprit de suivisme puéril » dénoncent-ils, estimant qu’« environnement hier, bioéthique aujourd’hui, tout est lié par cette même question de la juste place de la technique ».
« Trop peu de voix politiques, scientifiques et intellectuelles se font entendre actuellement pour mettre en garde les apprentis sorciers marcheurs qui nous font courir à la catastrophe éthique et sociétale » regrettent les députés. « Le réveil éthique et politique sera douloureux. »
Pour aller plus loin :
Loi de bioéthique : des erreurs dans une note destinée à mobiliser les députés de la majorité
[1] Pascal BRINDEAU, Député (UDI et Indépendants) de Loir-et-Cher ; Patrick HETZEL, Député (LR) du Bas-Rhin ; Annie GENEVARD, Vice-Présidente (LR) de l’Assemblée nationale ; Marc LE FUR, Vice-Président (LR) de l’Assemblée nationale ; Jean-Christophe LAGARDE, Président du groupe UDI et Indépendants ; Thibault BAZIN, Député (LR) de Meurthe-et-Moselle ; Xavier BRETON, Député (LR) de l’Ain ; Béatrice DESCAMPS, Députée (UDI et Indépendants) du Nord ; Fabien DI FILIPPO, Député (LR) de Moselle ; Olivier MARLEI, Député (LR) d’Eure-et-Loir ; Alain RAMADIER, Député (LR) de Seine-Saint-Denis ; Frédéric REISS, Député (LR) du Bas-Rhin ; Jean-Louis THIÉRIOT, Député (LR) de Seine-et-Marne ; Agnès THILL, Député (UDI et Indépendants) de l’Oise ; Nathalie BASSIRE, députée de la Réunion.