Nicolas Sarkozy est-il assuré de franchir la barre du premier tour de l'élection présidentielle ? C'est la question iconoclaste que pose l'auteur dans ce pur exercice de mathématiques électorales...
NUL N'EST DUPE que les statistiques électorales dont on nous abreuve quotidiennement n'ont guère de sens.
Elles ne reflètent nullement les intentions des Français, mais l'avancement de la campagne, et elles montrent surtout que seul un petit nombre des candidats y participe aujourd'hui.
Si l'on regarde la queue de la liste, et non plus seulement la tête, il est évident que les chiffres annoncés sont fantaisistes au regard de ce qui se passera dans les urnes en avril : créditer Mme Laguiller ou MM. Bové, Besancenot et de Villiers d'environ 2% des intentions de vote chacun est contraire à tout ce que les scrutins passés peuvent nous apprendre. Mais si ces candidats — et d'autres encore — auront vraisemblablement bien plus de voix que celles annoncées à ce jour, il reste à savoir où ils les prendront et dans quelle proportion les favoris en pâtiront.
Quant aux statistiques du second tour, elles sont ineptes dans la mesure où rien ne nous dit de quelle manière le premier se jouera.
Au-delà des sondages, il faut revenir à la structuration profonde de l'électorat français. Bon an, mal an, à tous les scrutins nationaux, les électeurs français se répartissent en quatre catégories remarquablement stables sur la durée. À quelques points près, les préférences partisanes du paysage électoral français se découpent ainsi : extrême gauche et gauche (15-20%), centre gauche (25-30%), centre droit (30-35%), droite et extrême droite (15-20%).
En fin de compte, dans l'isoloir, au premier tour, les Français votent toujours pour un candidat de leur famille politique de référence. Aussi, au premier tour, un candidat ne peut pas prétendre rassembler beaucoup d'électeurs attachés aux autres catégories que la sienne. Il faut donc regarder ce qui se dessine au sein de chacune de ces catégories :
FAMILLES POLITIQUESExtrême-gauche et gaucheCentre gaucheCentre droitDroite et extrême droiteRépartition habituelle des votes15-20%25-30%30-40%15-20%Principaux candidats déclarésJosé BovéArlette LaguillerOlivier BesancenotMarie-Georges BuffetDominique VoynetGérard SchivardSégolène RoyalNicolas Sarkozy,François Bayrou,N. Dupont-Aignan,Corinne LepageJ.-M. Le PenPhilippe de VilliersFrédéric NihousScore logique du candidat en tête de chaque famille politique5-10%(Bové, Laguiller ou Besancenot) 25%(Royal) 15-25%(Sarkozy) 15-20%(Le Pen)
Maintenant, il n'est pas sûr que tous les candidats déclarés obtiennent leurs 500 signatures. D'autre part, des événements inattendus peuvent à tout moment renverser la donne et disqualifier certains candidats. Mais il est déjà possible de tirer de ce tableau plusieurs conclusions.
Tout d'abord, si l'on suit cette logique, Mme Royal est assurée d'être présente au second tour, simplement parce qu'elle est l'unique représentante de sa famille politique.
De son côté, il n'est pas encore sûr que M. Sarkozy y soit. Pour qu'il y parvienne, il faut :1. qu'il réussisse à rassembler la très grande majorité de son cœur d'électorat ;
2. c'est-à-dire que les autres candidats de sa famille politique fassent des scores faibles, qui n'éroderont pas son résultat ;
3. et en particulier, que M. Bayrou ne prenne pas trop de voix à la droite modérée ;
4. de plus, que M. de Villiers ait ses 500 parrainages pour empêcher M. Le Pen de faire le plein de voix de sa catégorie dès le premier tour et d'atteindre ainsi les 20% ;
5. ou que M. Le Pen ne parvienne pas à créer une dynamique autour de sa candidature.Si aucune de ces conditions ne se réalisait — et cela est possible —, alors Jean-Marie Le Pen pourrait être présent au second tour, parce qu'il serait le seul représentant de sa catégorie face à un centre droit divisé.
Ceci montre que le scrutin n'est pas joué, même si l'on sait que, s'il parvient au second tour, Nicolas Sarkozy aura de fortes chances de l'emporter parce que la France est majoritairement à droite.
Enfin, la conclusion pratique, que le centre gauche a apprise à ses dépens en 2002, est que, lorsqu'il y a plusieurs candidats au sein d'une même famille politique, il est raisonnable de voter au premier tour pour celui (ou celle !) pour qui l'on voudra voter au second.
*G. de Lacoste Lareymondie est éditeur.
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