En cette Semaine sainte, l'ardente méditation sur le chemin que nous offre le Christ pour franchir l'obstacle de la mort et de la mort du péché, constitue pour toute l'humanité la seule aventure qui vaille vraiment afin de déchiffrer le sens de notre existence et de notre présence au monde.
Certes toutes les sagesses, les savoirs désintéressés sur l'Être, les interrogations sur le sujet, la liberté, l'obligation, sont bienvenues pour faire résonner en nous ce qui s'accorde avec notre dignité native, notre disposition intérieure à être plus que nous-mêmes, et cet appel irrépressible à se décentrer de soi pour entendre les vulnérabilités de l'autre, notre semblable. Toute la pensée des derniers siècles a tenté de rendre compte de l'odyssée de la conscience, non sans recueillir du christianisme ce qui pouvait s'intégrer dans un discours hors transcendance ou révélation.
Mais aucun Vendredi saint spéculatif, aucune libération de la parole ne valent contre l'avènement du Dieu le plus proche, celui qui parle en chacun de sa relation indicible à l'amour qui est son secret fondateur. Le Dieu qui s'est fait homme pour assurer dans sa chair l'évidence de la ressemblance et dans l'extrême déréliction, la solidarité qui engage la Trinité dans l'épreuve du mal et de la mort, a bouleversé pour toujours l'ordre des sagesses et des discours, fussent-ils désentravés des préjugés d'hier.
Le fameux hymne paulinien, repris de l'Épître aux Philippiens, constitue le thème dominant de la liturgie de la Semaine sainte. L'inégalable mélodie grégorienne lui donne une ampleur symphonique sans déroger à la pureté immarcescible de l'affirmation "Christus factus est pro nibis obediens usque ad mortem".
Sans doute, cet hymne aux Philippiens appartient-il à la toute première liturgie chrétienne. L'extrême concentration théologique qui s'y affirme nous introduit au sein même de l'action théodramatique, où toutes les personnes de la Trinité sont engagées, même si le Fils est l'envoyé, l'obéissant qui se dépouille de sa condition divine pour revêtir celle d'esclave dans la mort ignominieuse. C'est le Père qui reçoit cette humiliation et la reconnaît comme la suprême exaltation : "Aussi Dieu l'a-t-il exalté, et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom, pour que tout, au nom de Jésus, s'agenouille au plus haut des cieux, sur terre et dans les enfers, et que toute langue proclame de Jésus-Christ qu'il est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père."
Cette exaltation est résurrection de la chair après qu'il y ait eu victoire sur la mort et les enfers.
Elle est aussi celle de l'humanité toute entière, sauvée et rachetée, appelée à la gloire. L'énigme la plus fondatrice, celle de la liberté et du mal, la plus humaine qui soit, est partie prenante de cette dramatique divine, de telle sorte que la destinée divine de l'homme est définitivement scellée. La victoire sur la mort et sur le péché est résurrection de la liberté infinie.
*Editorial à paraître dans le prochain n° de France catholique
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