Quarante ans après l’accession de François Mitterrand à l’Élysée, le philosophe dresse un bilan accablant de celui qui réalisa le plus long mandat d’un président sous la Ve République. Il date aussi de son exercice du pouvoir la naissance d’un fascisme de gauche, qui se traduit aujourd’hui par l’arrivée de l’intersectionnalité dans la sphère de la pensée.
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C’est sous les mandats de Mitterrand que se développe toute une mythologie de l’antiracisme, incarnée par l’association Touche pas à mon pote, prétendument destinée à faire barrage au Front national. Faut-il voir dans cette idéologie - dévoyée - de l’antiracisme l’origine des outrances du décolonialisme et de l’islamisme ?
Touche pas à mon pote fut en effet l’un des bras armés de cette destruction de la gauche, du socialisme, du souci de la nation, du pays et de la France, au nom d’un multiculturalisme qui, sous prétexte d’antiracisme, luttait pour l’européisme, le cosmopolitisme, le métissage et la dilution de la France dans un grand marché planétaire. C’est le projet d’État universel, d’État total, de gouvernement planétaire qui est visé. Lire ou relire Jünger et Jacques Attali qui l’a lu.
Parmi les autres bras armés, le magazine Globe, subventionné par Pierre Bergé, et les réseaux de la gauche dite morale qui, via Libération, Le Monde, Le Nouvel Observateur, Jack Lang, BHL, Julien Dray, la presse libérale, des éditorialistes et de prétendus politologues, genre Olivier Duhamel, mais aussi Philippe Val, alors directeur de Charlie Hebdo vite récompensé par l’obtention de la direction de France Inter accordée par Nicolas Sarkozy, ont paradoxalement, et encore, œuvré à mettre la famille Le Pen là où elle est tout en prétendant s’offusquer de son existence!
À la façon de l’apprenti sorcier, ces gens ont activé une dynamique qui les déborde aujourd’hui : les décolonialistes, les intersectionnalistes, les néoféministes, les antisionistes, les islamo-gauchistes, et tout ce que je nomme la fachosphère de gauche, qui sont leurs créatures, ne leur mangent pas dans la main. Mieux, ou pire: ils méprisent cette gauche que Mélenchon voudrait fédérer. Ils instrumentalisent, non sans un cynisme qui rappelle celui de Mitterrand, ce vieux personnel politique fardé comme une prostituée qui attend le client au pied de l’urne.
Ce qu’on appelle aujourd’hui l’intersectionnalité prend donc sa source sous Mitterrand ?
Oui. Très précisément après que Mitterrand eut détruit la gauche old school, le Parti socialiste, les radicaux de gauche et le Parti communiste, que Jaurès, Mendès France et Georges Marchais ne reconnaîtraient pas, la gauche aurait dû se créer un nouveau corpus, une nouvelle ligne - de gauche. D’abord, en commençant par un droit d’inventaire concernant le mitterrandisme. Pour en avoir émis l’idée, avec justesse, Lionel Jospin l’a payé cher…
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La gauche a été fainéante: d’abord, elle n’a pas rompu avec Mitterrand qui avait pourtant rompu avec elle dès mars 1983, et ce par carriérisme, opportunisme, cynisme, il y avait en effet tant de places et de postes juteux à prendre! Ensuite, elle n’a pas su se créer une plate-forme à partir de son histoire propre, dont celle des socialismes français non marxistes du XIXe siècle - qu’on me permette de renvoyer une fois de plus à Proudhon. Elle a acheté clés en main l’idéologie du politiquement correct des campus américains. Or, il se fait que, paradoxalement, ces campus américains fonctionnaient à la French Theory, autrement dit, à la soupe fabriquée avec Foucault, Deleuze, Derrida, Bourdieu - une soupe bien américaine, genre Andy Warhol… La gauche française est devenue américaine.