TRES SAINT-PERE,

en vingt-cinq ans qui ont changé le monde, vous avez tant donné au monde, depuis l'Église du Christ dont vous êtes le principal serviteur.

Vous nous avez donné le nouveau catéchisme de l'Église, des encycliques et des exhortations apostoliques qui sont aussi des hymnes d'une grande beauté.

 

Dans ce texte magnifique qu'est votre encyclique Foi et Raison, vous redonnez à l'être humain la perspective unifiante de sa pleine cohérence de créature pensante, enfant de Dieu et sujet de liberté responsable. Vous avez fait entrer notre Église dans le troisième millénaire, en la guidant d'une main sûre à travers les tempêtes et les écueils des intérêts matériels et des idéologies temporelles.

Mais c'est à tous les chrétiens que vous avez beaucoup donné.

Vous leur avez apporté le témoignage d'un effort sans précédent pour l'unité, à la suite des grands papes Jean XXIII et Paul VI, sous le signe du concile Vatican II. La preuve la plus belle en aura été sans aucun doute votre longue marche, effectuée inlassablement, étape après étape, auprès de nos frères des Églises orthodoxes. Malgré votre fatigue croissante, malgré des procès d'intention et d'étranges dérobades, vous avez tendu la main aux chrétiens d'Orient, et vous les avez rencontrés à Bucarest, à Kiev et à Sofia, en passant aussi par Athènes.

Ut unum sint, Pour qu'ils soient Un, selon le vœu le plus cher du Christ, malgré la précarité d'une santé déclinante, mais avec toute la force de votre foi immense, vous avez rapproché les deux poumons de l'Église, l'occidental et l'oriental, dans une lueur d'espérance.

À nos frères du monde juif aussi, vous avez tendu la main, en allant jusqu'au Mur des Lamentations à Jérusalem. Après des siècles d'incompréhension et de jalousie souvent réciproque, vous avez parlé à Israël un langage d'amour, parce que vous savez que l'Église et la Synagogue seront jugées sur l'amour.

Au monde de l'islam, vous avez aussi parlé le langage de la paix, qui est également celui de la raison, et vous avez su trouver, ça et là, comme au Maroc ou au Kazakhstan, un auditoire capable de vous écouter, malgré les cris des faux prophètes d'un fanatisme haineux.

Très Saint-Père, en risquant votre vie, vous avez apporté aux peuples de l'Est cette liberté tant espérée, ce passage de la Mer Rouge contemporain qu'a été la libération du communisme, et le retour de cette liberté religieuse qui est une porte d'accès à la recherche de la vérité.

Aux peuples de l'Ouest, vous avez adressé ces appels répétés à se délivrer des conditionnements sournois du matérialisme pratique, à se libérer du joug du plaisir sans frein et d'une permissivité sans limites qui asservit les hommes à eux-mêmes dans une démission funeste.

Et aux peuples pauvres du Tiers-Monde, vous avez apporté l'espoir immense et serein d'une justice rendue sans l'égoïsme qui spolie, et sans la haine qui se venge.

À tous les hommes, enfin, vous avez encore beaucoup donné.

Vous avez adressé à l'humanité un appel constant à la paix, qui aura sans doute culminé, avec une force symbolique inouïe, quelques jours à peine après l'attentat diabolique du 11 septembre. Cet appel à l'amour et à la paix, vous l'avez lancé depuis le Kazakhstan, pays d'ex-Union soviétique rescapé d'un totalitarisme athée qui fut porteur d'une haine et d'une violence meurtrière sans précédent.

Là, approuvé par les hommes de bonne volonté de toute la planète, vous avez récusé toute prétention à utiliser Dieu Créateur de l'humanité pour justifier la guerre, cette entreprise de destruction de cette même humanité.

Certains vous ont reproché de ne pas être suffisamment " en phase avec notre temps ", comme si une telle compromission avait été votre mission, alors que la fidélité au Christ implique l'inscription du destin singulier des hommes dans le dessein universel de Dieu, un Royaume de bonheur éternel dont la nature et la durée transcendent tous les temps.

Vous avez préféré servir Dieu dans le cœur de chaque homme, dans la lumière prophétique de la Civilisation de l'amour.

Vous avez résisté aux courants idéologiques successifs ballottés d'un excès à l'autre, aux vents mauvais de l'histoire de l'humanité en proie à ses contradictions funestes et à la tentation aveugle de la culture de mort.

Vous avez préféré la sagesse de Dieu à la folie des hommes, et ce faisant vous avez aimé les hommes, de votre amour de serviteur souffrant mais fidèle d'une fidélité héroïque.

Et à nous Français, vous nous avez rendu le visage authentique de la France, celui de ses origines chrétiennes. Vous nous avez d'abord rappelé " les promesses de notre baptême ". Puis vous avez baptisé vous-même, en 1997 à Longchamp, plusieurs garçons et filles de France et du monde entier, lors d'une magnifique veillée de prière qui préfigurait l'Église de demain, cette grande assemblée mondiale qui parlera de plus en plus à toutes les nations, ad gentes, selon le vœu du Christ.

En l'an 2000 à Rome, vous avez appelé à nouveau tous ces jeunes à irriguer le monde d'une foi neuve de " sentinelles du matin ", apte à ranimer les énergies spirituelles du vieux monde perclus de paganisme.

Pour nous tous, vous avez été un père plein d'amour, doté d'un charisme singulier auprès des jeunes qui vous ont rendu cet amour.

Ces derniers temps, à travers même votre affaiblissement physique, le moindre de vos gestes d'attention pour les fidèles a revêtu la force surnaturelle de l'amour du Christ crucifié. Comme Jésus sur le Calvaire à saint Jean devant la Vierge Marie, avant de nous quitter, vous dites à chaque croyant de l'Église de demain : " Fils, voici ta mère. "

Pour cet héritage que vous nous léguez, par votre enseignement et par votre exemple, et dont nous mettrons encore longtemps à découvrir les trésors, grand merci, Très Saint Père.

Denis Lensel est journaliste, il est l'auteur de Jean-Paul II vu par...(éd. F-X de Guibert). Il a également publié Les Autoroutes du mal (avec Jacques Bichot, Presses de la renaissance, 2001) ; La Pensée unique (Economica, 1998) ; La Famille à venir (Economica, 2000) ; Le Passage de la Mer Rouge, Fleurus, 1994).

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