Le mot race disparaît de la Constitution : un pas de plus vers l'orwellisation de la société

Etonnante coïncidence : le jour où était présenté dans la plupart des librairies de France une nouvelle traduction de 1984, le chef d’œuvre de George Orwell,  l’Assemblée nationale votait à l’unanimité la révision de l’article 1er de la Constitution :

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. »

Désormais le mot race a été supprimé et le mot sexe a été rajouté.

Il y a beaucoup à dire sur cette révision.

D’abord la vulgarité de la démarche. « Il ne faut toucher aux lois que la main tremblante », disait Montesquieu ; c’est particulièrement vrai des lois constitutionnelles. Si chaque président nouvellement élu veut la réviser à sa guise,  ’est qu’il n’y a plus de constitution. La constitution n’est plus un texte sacré : elle perd son caractère de loi fondamentale au-dessus des autres lois.  Gardien des institutions, le président ne doit y toucher qu’avec crainte et tremblement. Chirac a procédé à 14 révisions (De Gaulle 2, Pompidou : 0, Giscard d’Estaing : 2, Mitterrand 3). Sarkozy a, le premier, procédé à une révision de grande ampleur touchant un tiers des articles. Macron s’y met à son tour. Si sa rivale l’avait emporté, nous n’y aurions pas non plus échappé : elle avait, elle aussi,  un ample programme de révision constitutionnelle. Ne rien tenir pour sacré, se croire fondé à toucher à tout, c’est cela la vulgarité.

On peut également relever que les grandes erreurs législatives, les lois  que toute une génération regrette, ont été généralement votées à l’unanimité : la loi Pleven de 1972 contre l’incitation aux discriminations, la loi Giscard de 1973 barrant l’accès de l’État aux avances de la Banque de France, la loi Gayssot de 1990, la Loi organique sur les lois  des finances, dite Lolf de 2001 qui a largement contribué à désorganiser l’État et dont Macron se propose de pousser la logique encore plus loin. Donc méfiance.

Surtout, l’idée de supprimer le mot race pour supprimer le racisme, parfaitement absurde, confirme l’orwellisation de la société.

L’idée de réformer le vocabulaire pour réformer la société est typiquement totalitaire. Ne nous y trompons pas en effet : aujourd’hui, c’est la seule constitution qui est visée ; demain employer le mot race sera passible de poursuites.

Et pourtant elles existent, comme aurait dit Galilée. Il se dit à ce sujet n’importe quoi : « il n’y pas de races, il y a une seule espèce humaine ». Certes nous ne composons qu’une seule espèce , au sens zoologique du terme, c’est à dire un seul groupe entièrement interfécond. Mais cela ne veut pas dire qu’en dessous de l’espèce, n’existent pas des subdivisons selon la couleur de la peau ou d’autres critères, communément appelées, dans l’espèce humaine comme dans beaucoup d’espèces animales, des races. Certes, il faut en relativiser le contenu : les différentes races sont interfécondes et de ce fait, il y a eu et il y a de nombreux métissages qui font intrinsèquement partie de la réalité humaine. Il se peut même que les différences culturelles soient plus pertinentes que les différences de couleur de peau. N’empêche : les races existent et il est antiscientifique de le nier.

Quand on sait combien les fondateurs de la République étaient attachés à la science, cette attitude antiscientifique, qui conduit à nier des réalités objectives, peut être tenue pour une atteinte au principe républicain.

A côté de la science, il y a le droit. La suppression du mot race à l’article 1 signifie-il que les distinctions de race seront désormais autorisées ou alors que leur réglementation ne sera plus du domaine que de la loi ordinaire ?  A la lettre, oui. Un adversaire de l’avortement demandait récemment que le mot avortement disparaisse de la législation ; c’est ce qu’on a fait au Canada où désormais, contrairement aux attentes de ce monsieur, l’avortement n’est plus soumis à aucune limite.

Changer les mots pour changer les choses, c’était déjà le principe de la loi Taubira instaurant le « mariage » pour tous, de bout en bout inspirée par la théorie du genre selon laquelle les distinctions de genre ne sont pas pertinentes, le sentiment qu’un individu peut avoir de son « genre » étant entièrement de nature culturelle : mâles et femelles sont fongibles en tout. Comme les idéologues n’en sont pas à une contradiction près, dans la révision de la constitution, le mot sexe a au contraire été rajouté.

On pourrait évoquer bien d’autres faits qui tendent à réduire la langue pour maîtriser les esprits. Ainsi toutes les formes de langues de bois :  non voyant pour aveugle, troisième âge pour vieux,  « partir » pour mourir, frappes pour bombardements (comme si les B 52 se contentaient de distribuer des claques !) etc.  En toutes choses le virtuel se substitue au réel.

Aujourd’hui, les races n’existent plus, demain sera-ce le tour de la liberté ?

 

Roland HUREAUX