Source [Causeur] : Notre chroniqueur, expert en langue et cultures françaises, a écouté en son entier le long discours d’Emmanuel Macron célébrant l’ouverture de la Cité Internationale de la Langue française à Villers-Cotterêts, où en 1539 François Ier imposa le français comme langue du droit français. Le moins que l’on puisse dire est que cet exercice un peu scolaire l’a laissé dubitatif — mais pas totalement hostile.
Personne ne saurait m’accuser de servir la soupe au chef de l’État, moi qui dès 2017 ait appelé à voter contre lui. Mais je dois reconnaître que cet ex-apprenti-comédien se débrouille très bien dans ces exercices de parole en public, surtout dans le genre commémoratif. Peu après son entrée en fonction, au mois de juin, il avait réussi à Oradour un beau discours (écrit par Sylvain Fort, qui lui servait alors de nègre de luxe) que j’avais salué en son temps — réserves comprises.
La longue performance de lundi était de la même veine. Le chef de l’État n’a pas manqué d’utiliser la géographie très centrale de la ville de naissance d’Alexandre Dumas, au cœur du Valois, pour saluer par cercles successifs Racine, La Fontaine, Rabelais et Marot (auquel on doit l’infernale règle d’accord du participe conjugué avec avoir avec le COD antéposé), tous liés à la ville ou à François Ier, tous exemples remarquables de l’excellence de la langue française. Il y a rajouté Molière, qui a effectivement joué Tartuffe pour le roi en cette ville en 1664, puis l’abbé Grégoire, qui pendant la Révolution se battit avec persévérance pour imposer une langue nationale : c’est de lui que procède à distance l’article 2 de la Constitution, rajouté en 1992 : « La langue de la République est le français ».
Et pas le dialecte informe des banlieues.
Bonne copie
D’où les réflexions d’Emmanuel Macron sur cette langue française qui « bâtit l’unité de la nation » dont « elle est un ciment ». La France, a-t-il ajouté — et cela sentait un peu la bonne copie de première — est un « pays unifié par la langue » : c’est tout le sens de l’ordonnance de 1539. L’édit de François Ier tenait à la fois de la formalisation et de l’uniformisation, dans un royaume alors divisé en de multiples langues régionales, et en féodalités tout aussi diverses. Proclamer l’unité linguistique, c’était forger l’unité du royaume. Richelieu, en fondant un siècle plus tard l’Académie française, n’a pas d’autre projet : le français est la langue du roi, et la parler, c’est reconnaître la primauté royale.
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