La réaction de Donald Trump a surpris tout le monde. Lui qui conseillait en 2013 à Obama de ne pas s’engager en Syrie, qui paraissait vouloir concilier les politiques américaine et russe sur le terrain au point d’être suspecté d’avoir été élu grâce au soutien occulte de Vladimir Poutine, le voilà qui fait raser une base aérienne syrienne en représailles après un bombardement chimique sur un village rebelle. La rapidité de la riposte unilatérale des États-Unis, alors que ceux-ci avaient temporisé et finalement laissé paraître leur impuissance sous la présidence Obama, pourrait être l’expression d’un manque de maturité et d’expérience du nouveau locataire de la Maison-Blanche, un signe inquiétant de son caractère bouillant.
Mais l’action a été menée de manière très maîtrisée. La base aérienne a été détruite mais sans faire beaucoup de victimes, et notamment aucune parmi les Russes, prévenus de la frappe. Les échanges verbaux entre Moscou et Washington sont vifs. On peut y voir un revirement total par rapport au rapprochement esquissé encore récemment. La visite au Kremlin de Rex Tillerson semble cependant maintenue. La décision de Trump pourrait donc bien être plus intelligente, voire subtile, que les esprits superficiels l’imaginent.
En 24 heures, Trump a su prendre une décision dont son prédécesseur avait été incapable. Celle-ci a deux effets positifs. D’abord, l’Amérique revient dans le jeu et à son niveau. Elle ne s’embarrasse pas de discours moralisateurs. Elle pose un acte de guerre qui transgresse la souveraineté syrienne sans passer par l’ONU. Ensuite, Donald Trump, affaibli par ses échecs relatifs sur l’immigration et l’Obamacare, consolide sa présidence auprès du Parti républicain, de l’opinion publique toujours soudée derrière le chef d’une guerre juste, et il déligitime des critiques moins faciles contre celui qui réagit avec vigueur à des actes inhumains.
Cette interprétation très favorable à Donald Trump doit cependant être tempérée en amont et en aval. Même s’il a su saisir une occasion plus qu’il n’a réagi, comme il le dit, à une émotion, encore faut-il que la cause et les effets de sa décision n’en affaiblissent pas l’autonomie.
Le bombardement chimique d’un village par l’aviation syrienne est lui-même surprenant. Comment imaginer que Bachar el-Assad soit assez stupide pour entreprendre une action aussi dangereuse alors qu’elle ne s’impose nullement sur le plan stratégique et risque, au contraire, de compromettre une situation rétablie, avec un rapport de force favorable, une image améliorée et, surtout, une déclaration américaine écartant des priorités son éviction ? Il y a là un mystère et des secrets difficiles à percer. Certains vont jusqu’à susurrer que le « Donald » a été repris en main par les néo-conservateurs influents au Congrès, aux armées et dans les services de renseignement.
Ce serait oublier que Donald Trump est avant tout un habile négociateur. Il sait que, pour négocier, il faut être en position de force et avoir des arguments. Obama était sorti de la négociation par faiblesse. Trump y rentre en force. Poutine et lui savent qu’ils ne peuvent ni se faire la guerre, ni aller jusqu’à l’humiliation de l’adversaire. Il leur faudra donc discuter, et pas seulement du Moyen-Orient. Donald Trump a montré ses muscles alors que le président chinois est en visite aux USA. La Corée du Nord, qui menace le Japon et la Corée du Sud, est une voisine et un allié turbulent de la Chine. Elle sera sans doute au menu, elle aussi. L’avenir n’appartient pas aux moralistes verbeux qui encombrent les « machins » onusien ou européen. Le président Poutine avait rappelé le monde au réalisme politique. Le président Trump vient sans doute de le rejoindre.
La France, qui voulait en 2013 répéter la faute libyenne, s’est hélas mise hors jeu. La paix n’a jamais été l’œuvre des pacifistes mais des réalistes prêts à poursuivre la politique au moyen de la guerre.
Source : Boulevard Voltaire
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