L’offensive turque contre les combattants kurdes des unités de protection du peuple (YPG) a déjà réussi un exploit : dresser contre la Turquie ses trois principaux alliés (à des titres divers), les Etats-Unis, l’Union européenne, et la Russie, pour une fois sur la même longueur d’onde.
Tous redoutent en effet que l’incursion militaire turque dans le nord-est de la Syrie pulvérise la coalition antijihadistes dont les combattants kurdes ont été le fer de lance contre le groupe Etat islamique (11 000 combattants kurdes y ont laissé la vie). En mobilisant toutes les forces combattantes kurdes contre l’armée turque, cette offensive (cyniquement baptisée « Source de paix ») a déjà eu pour effet l’évasion (ou la libération ?) de terroristes de Daesh détenus par les Kurdes.
Après que Donald Trump avait paru encourager Erdogan à passer à l’offensive en retirant en début de semaine les soldats américains qui se trouvaient en Syrie près de la frontière turque, les Etats-Unis ont fait volte-face. Le ministre américain de la Défense a « fortement encouragé » Ankara à « interrompre » son opération militaire en Syrie qui pourrait avoir de « graves conséquences pour la Turquie » … tout en réaffirmant l’importance de la « relation bilatérale stratégique » entre les Etats-Unis et la Turquie alliés au sein de OTAN. La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont également condamné l’incursion militaire turque en Syrie, tandis que la Russie, par la voix de Vladimir Poutine, conseillait fortement à Erdogan d’y mettre un terme.
Apparemment, le président turc n’en a cure : « Peu importe ce que certains disent, nous ne stopperons pas » a déclaré M. Erdogan lors d’un discours à Istanbul le 11 octobre. À l’intention de l’Union Européenne, il a cyniquement rappelé qu’il disposait avec les millions de syriens réfugiés en Turquie d’un moyen de rétorsion très dissuasif : « Si vous essayez de présenter notre opération comme une invasion, nous ouvrirons les portes et vous enverrons 3,6 millions de migrants » ! Le fait est que le flux de migrants depuis la Turquie vers l’Europe a considérablement tari à la faveur d’un accord conclu en 2016 entre Ankara et l’UE qui a tout de même coûté à celle-ci 6 milliards d’euros. Erdogan sera sans doute plus sensible aux menaces de sanctions économiques que lance à présent Washington pour qu’il cesse son offensive contre les kurdes. Dans un de ces tweets en tête-à-queue qui caractérisent sa communication, Donald Trump a menacé d’« anéantir » l'économie turque si Ankara « dépassait les bornes ». Erdogan et Trump ont en commun de naviguer à vue en s’adressant avant tout à leur opinion publique.
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