Comme on pouvait le craindre, les députés espagnols ont définitivement adopté, ce 30 juin, une loi donnant le droit aux homosexuels de se marier et d'adopter des enfants (187 voix pour, 147 contre, 4 abstentions).
Malgré une mobilisation sans précédent (le Forum espagnol de la famille a recueilli plus d'un million de signature contre ce projet), l'Espagne devient le quatrième pays au monde à légaliser l'union homosexuelle après les Pays-bas, la Belgique et le Canada.
La hiérarchie catholique espagnole a qualifié le mariage gay de "retour en arrière sur le chemin de la civilisation", et appelé les fonctionnaires des mairies à l'objection de conscience, avec l'appui renouvelé du Saint-Siège.
Sur le principe de l'adoption par des parents homosexuels, il convient de s'arrêter. La question est faussée par un substrat idéologique, et notre regard sur l'homosexualité. En gros, répondre négativement à cette question particulière est aujourd'hui assimilée à un jugement de l'homosexualité en général.
En se penchant sur cette question, les États ne sont pas appelés à légiférer sur l'homosexualité — contrairement à ce que l'on veut laisser entendre — mais sur l'adoption. Or une telle confusion crée des inégalités entre catégories de citoyens et conduisent les pouvoirs publics à se contredire dans leurs choix fondamentaux.
En qualité de père adoptif de trois enfants (après une attente de quatorze ans de mariage sans enfants) je connais bien les droits et devoirs qui sont appliqués aux parents adoptifs ! Mes arguments sont les suivants :
1/ Les homosexuels n'ont pas le droit d'avoir des enfants comme tout le monde, tout simplement parce qu'aucun adulte n'a le "droit" d'avoir des enfants. Le seul droit existant en la matière est celui de tout enfant à avoir des parents et non le contraire.
Le parcours du combattant réservé par la DDASS aux candidats à l'adoption est toujours justifié par ce principe fondamental. Parce que des parents inféconds qui se lanceraient dans l'adoption pour compenser un "manque" n'accueilleraient pas l'enfant pour lui, mais pour eux. Cela "chosifierait" l'enfant. Les DDASS ne peuvent pas chasser ce travers psychologique qui consiste à "posséder" des enfants chez les ménages hétérosexuels et ne pas se poser la question quand il s'agit de couples homosexuels.
La fécondité n'est pas un droit mais la conséquence incontrôlable d'un choix de sexualité. Depuis toujours les psychologues des DDASS se battent contre les parents qui voudraient "choisir" l'enfant adopté, parfois prêts à l'"acheter".
2/ Puisqu'il s'agit de la primauté du droit des enfants à avoir des parents, il reste à définir la nature de ces parents, en fonction des attentes des enfants sur ce sujet.
Or tous les psychologues conviennent que naturellement n'importe quel enfant sans parents, s'il pouvait choisir, ferait le choix d'un père et d'une mère, et non celui de deux pères ou de deux mères. Un même enfant adopté par un couple homosexuel en bas âge, aurait exprimé en d'autres circonstances, à un âge où il est capable de poser un choix, sa préférence pour recevoir un père et une mère.
Prétendre que, faute de mieux, un enfants préférerait deux pères, par exemple, à ne pas avoir de parents du tout est une imposture scandaleuse. Selon l'Igas (Inspection générale des affaires sociales), en 2003 cinq mille enfants seulement ont été adoptés alors que 24.000 foyers hétérosexuels détenteurs d'un agrément à l'adoption sont restés en attente. Il faut y ajouter que plus des deux tiers des ménages qui désireraient adopter ne reçoivent pas cet agrément où se découragent avant.
Il n'y a donc aucune pénurie de parents hétérosexuels pour des enfants à adopter. Mais ce sont plutôt près de 100.000 ménages, chaque année, qui se résignent à faire le deuil de donner un jour une éducation ou un environnement affectif à un ou des enfant(s). Car, heureusement, il n'y a près de vingt fois moins d'orphelins ou d'enfants adoptables, dans le monde, que de ménages hétérosexuels en attente d'adoption !
Ce raisonnement est d'ailleurs aussi valable au sujet des candidatures de célibataires à l'adoption. Même ignorance de la primauté du droit de l'enfant sur le droit de l'adulte ; même gâchis vis à vis des milliers de foyers où un père et une mère pourraient être choisis. Les comportements très différents, à ce sujet, d'une DDASS à une autre, montrent bien que l'Etat est déjà en situation de porte-à-faux et d'hypocrisie. J'ai travaillé dans le milieu de la presse féminine où toutes les mères célibataires adoptives que je connaissais menaient par ailleurs une vie homosexuelle curieusement "ignorée" de leurs DDASS. Les candidats à l'adoption subissent pourtant multiples interrogatoires, enquêtes et visites...
Ces deux premiers arguments contre l'adoption par des parents homosexuels se résument par : la primauté du droit des enfants sur celui des adultes, d'une part, et, d'autre part, le désir de n'importe quel enfant d'avoir des parents des deux sexes ainsi que le surnombre des ménages hétérosexuels adoptants en attente face au petit nombre d'enfants à adopter...
3/ Le troisième argument est que, en ne respectant pas les deux premiers, tout pays qui légalise l'adoption par des ménages homosexuels bafoue plusieurs des articles de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant. Notamment : "Les États qui admettent et/ou autorisent l'adoption s'assurent que l'intérêt supérieur de l'enfant est la considération primordiale en la matière" (article 21) ; "les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité" (article 12).
4/ Plus simplement la conscience sexuelle d'un enfant s'éveille au contact réel de la double identité sexuelle de ses parents et de leur vie affective. On connaît d'autre part la force de la médiation et du principe imitatif dans cet éveil. Ne lui donner comme principal modèle que celui de l'homosexualité n'est donc pas respecter un autre droit défini par cette Convention : "Les États parties respectent le droit de l'enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion" (article 14).
5/ Il reste le cas particulier des enfants naturels d'un père ou d'une mère devenu(e) homosexuel(le). Permettre au conjoint homosexuel d'adopter l'enfant serait dénier le sentiment naturel que cet enfant conserve vis-à-vis de sa double filiation d'origine (je suis issu d'un père et d'une mère) et le conduire à refouler une partie de l'identité de l'un d'eux, c'est à dire son identité sexuelle.
On veille, par exemple, à présenter l'adoption à un enfant dont les parents ont été déchus de leurs droits comme un "plus", un supplément de maternité et de paternité autrefois défaillantes. Un enfant adopté par deux hommes pourra certes se dire qu'on lui a donné un "plus" côté père. Mais on l'aura trompé dans le droit qu'il avait de pouvoir un jour appeler une femme "Maman".
Toutefois, si un enfant a comme unique parent naturel (connu ou vivant) une personne devenue homosexuelle et qui vit en couple, il faudrait vérifier quelles sont les possibilités testamentaires actuelles d'un(e) célibataire d'influer sur le conseil de famille, en cas de décès, afin de confier l'enfant à la personne avec laquelle il avait déjà un maximum de liens affectifs et qui pourrait être l'ancien(ne) ami(e) homosexuel(le) du ou de la défunte. Une adoption par le conjoint homosexuel survivant ne viendrait pas alors se substituer à une filiation d'un autre sexe, mais bien à celle du parent disparu.
En conclusion, si l'on en reste à ces seuls cinq points - qui ne font même pas appel à la morale, mais seulement au droit et à la justice - toute légalisation de l'adoption par des parents homosexuels mettrait l'État en situation d'user de son pouvoir législatif en contradiction avec les termes d'une justice définie par les Nations-unies pour les enfants du monde entier.
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