Aline Lizotte, philosophe, théologienne et enseignante d'origine Québécoise, habite Solesmes et dirige l'AFCP (l'association pour la formation chrétienne de la personne) : Oui, jusqu'à quand abuserez-vous de notre patience
1- L'affaire Fillon, qui semble se tasser, mais non se régler, dépasse largement la personne même de l'ancien premier ministre. C'est toute une partie de l'électorat qui a été prise à la gorge et qui devient l'otage d'un pouvoir occulte, dont on pressent qu'il existe et que l'on ne saurait nommer. Les faces sont masquées, non identifiables, les complots rampent, les acteurs les plus impliqués se réjouissent de leur coup, les vrais auteurs espèrent que cette invraisemblable comédie aura pour eux son happy end. Les élus de la Droite s'énervent et demanderaient à leur chef de se retirer. Voir leur champion anéanti devant leurs yeux n'a rien d'agréable. Le chef est là pour leur faire partager la victoire, non pour les amener à la défaite. L'assemblée triomphante de La Villette est déjà oubliée Il ne faut pas gagner hier, il faut gagner demain ! Et demain, leur répètent les sondages du moment, est incertain. Qu’attend-on ? Que le Parquet financier proclame un jugement ? Oui, mais ce Parquet, qui a été d’une célérité inhabituelle pour intervenir, pourrait, pour les mêmes raisons, être d’une lenteur épuisante à donner ses conclusions ! Et les élections approchent ! Sur les lèvres et dans les cœurs, une seule question : Fillon s'en sortira-t-il ? Comme si s'était la bonne question !
> (1 Quousque tandem, Catilina, abutere patientia nostra ? est une expression latine tirée de la première des quatre Catilinaires de Cicéron. Elle signifie : «Jusques à quand, Catilina, abuseras-tu de notre patience ?» Ces mots violents constituent l’exorde du premier discours contre Catilina prononcé par Cicéron le 8 novembre 63 av. J.-C. pour démasquer et punir la deuxième conspiration de Catilina, une tentative de coup d'État contre la République romaine. Catilina était impudemment présent ce jour-là parmi les sénateurs, alors que sa tentative d'assassinat de Cicéron et son complot venaient d'être découverts).
> Pour trouver la réponse, changer la question
> Supposons le scénario le plus sombre : Fillon retire sa candidature à la présidence, il se désiste de la campagne électorale et, avec sa femme, ils partent quelques mois dans les Caraïbes. Les enquêtes du Parquet financier n'auront plus aucun intérêt et, dans six mois environ, un non-lieu sera probablement prononcé. Plus personne ne s'intéressera aux emplois supposément fictifs de Penelope ! Autrement dit, ce n’est pas aux actes légaux ou moraux du candidat que l'on s'intéresse. Mais c'est au candidat qui a remporté le vote incontestable que l'on sait, au soir de la primaire de la Droite, et qui représente une force politique dangereuse ! Et ce candidat n'est pas seul ! Il a déjà derrière lui quelques millions de citoyens qui ont manifesté avec leurs pieds et leurs mains quel type de personnalité, quel choix de société, quelle sorte de gouvernement ils souhaitaient. Ce n'était pas une force en fin de course ! C'était une force en début de course. Une force qui ne pouvait que grandir, se développer, et vaincre ! Cette force-là, il fallait la miner, la disséminer, l'anéantir, la faire mourir !
Il fallait dès maintenant lui couper sa voie électorale, lui voler son droit de s'exprimer. L'affaire Fillon, ce n'est pas une attaque maladroite sur la réputation d'intégrité d'un homme : c'est la spoliation concertée du droit moral du vote, l'attaque camouflée de l'authenticité d'une démocratie politique. François Fillon s'en sortira-t-il ? Non, si l'on continue à se centrer sur cette question. Car tout a été fait pour qu'il ne s'en sorte pas !
Comprendre le processus
Pour comprendre l'importance de la stratégie, il faut analyser minutieusement le processus. Le Canard enchaîné reçoit un dossier. Lequel ? De qui ? Le saura-t-on jamais ? Si, comme le laisse entendre la rumeur publique, c'est une fuite du Service des Impôts, ce dossier donne au journal une matière sur laquelle travailler. Car les salaires de Madame Fillon ont été déclarés. On fait simplement l'impasse sur cette faute grave contre l'obligation du secret professionnel, une faute grave qui relève du Code pénal ! Il faudra, un jour, faire la lumière sur cette faute grave.
Le journal commence son «travail». Il ne s'agit pas seulement de comptabiliser les montants et d'aligner les jours de travail. Il s'agit de faire de cette «matière» non un simple fait, mais une cible médiatique. Véritable mob trigger (déclencheur de la populace), le Canard enchaîné est spécialiste en ce domaine : rappelons-nous les diamants de Bokassa évalués bien au-dessus de leur valeur, les emplois fictifs reprochés à Juppé, etc. La technique est simple : dépouiller les faits de tout leur contexte, de toutes les circonstances réelles qui les entourent. Les rendre totalement nus. On exagère les chiffres – montant brut et non net –, on minimise les périodes de rémunération, on évite de dire que le geste est légal, que les montants ont été déclarés aux impôts. On présente Madame Fillon comme une «bonniche», alors qu'elle est juriste de profession, capable de fournir une contribution professionnelle à son mari, membre du Conseil municipal de son village, etc.
Le fait, une fois dépouillé de toutes les décisions humaines qui l'ont engendré, réduit à sa seule matérialité, devient ainsi une pâture bonne à être jetée aux chiens. L'on est sûr de l'effet qu'il produira, de l'effet que l'on veut qu'il produise. À partir de ce moment, l'homme politique pris dans les filets dans lesquels on l'a enfermé sera condamné, quoiqu'il fasse pour rétablir la vérité humaine de ses actes. Tout ce qu'il dira se retournera contre lui. Fillon dit qu'il n'y a qu'un compte en banque, au Crédit agricole de Sablé. On dit qu'il ment ! Obligatoirement, il doit avoir un compte administratif et un compte personnel ! Qu'il veuille simplement affirmer qu'il n'a pas de compte caché à Singapour, à Genève ou à Kuala-Lumpur ! Peu importe ! Il ne peut pas dire qu'il n'y a qu'un compte, puisqu’il en a deux ! Madame Fillon dit, en 2007, qu'elle n'a jamais été l'assistante parlementaire de son mari, autrement dit, elle ne joue, ni ne veut jouer, les Carla Bruni ou les Cherie Blair. On ne veut retenir qu'une chose : elle n'a pas travaillé pour son mari !
Ce processus est connu ! C'est celui de tous les accusateurs publics, depuis Marc-Antoine, le Sanhédrin, Cromwell, Fouquier-Tinville et aliis. Contre ce processus, la défense est perdue d'avance ! Plus Fillon tentera de se défendre, plus il s'enfoncera ! Plus on se demandera s'il en sortira, moins il en sortira.
Ce n'est pas Fillon qui est vraiment accusé ! C'est le peuple lui-même ! C'est le peuple que le hollandisme finissant, moribond, a méprisé, ignoré, injurié, trompé, qui est attaqué. C’est ce peuple, qui a commencé à dire qu'on abuse de sa patience, qui est bafoué ! Ce peuple qui veut en finir avec les conciliabules des «énarques», avec les théories sociologiques des Pierre Bourdieu en matière d'éducation, avec les manipulations des Taubira et de ses amis, qu'on veut à tout prix faire taire. Ce peuple à qui l'on veut opposer un Macron télégénique, sans assise politique, sans expérience de gouvernement, aux théories économiques de Thomas Piketty.
Une façon de s'échapper du filet !
Tant que la Droite se dissociera de son chef et qu'elle continuera à douter d'elle-même, elle est finie. Bientôt, avant la fin de la campagne électorale, elle sera morte ! Ce ne sont ni les Juppé, ni les Larcher, ni les Bayrou, ni aucun autre qui maintenant, à 70 jours des élections, peuvent remplacer Fillon. François Fillon a mis trois ans à construire son programme, il a parcouru toute la France, il a interrogé toutes les catégories d'électeurs. Il a bâti un programme en consultant des experts et des hommes de terrain. On a tout à fait le droit de critiquer ses solutions, tout-à-fait le droit de dire sur quoi l'on n'est pas d'accord. On ne peut, tout de go, faire le jeu du pouvoir occulte, le mettre sur une tablette et croire que l'espoir que l'on a mis en sa personne se reportera sur un quelconque valet qui endossera sa livrée ! C'est de la pure folie. Forcer le retrait de Fillon pour la Droite, c'est se suicider. Une bonne partie des électeurs, dégoûtés, ne voteront pas ! L'absentéisme aidant, ni Macron, ni encore moins Hamon, plus rien n'empêchera le FN de l'emporter. Et si Macron, par miracle, l'emportait ? La République serait-elle gouvernable, face à quelle Assemblée législative ?
Il n'y a qu'une façon de sortir du tunnel ! Une seule ! La COLÈRE. Le peuple français doit dire qu'il en a assez d'être méprisé. Il doit le dire, haut et fort. Il doit le dire avec colère, c'est-à-dire avec la véritable vertu qui régule la colère : la vengeance. Car, la vengeance, nous dit saint Thomas, est la vertu de la colère (S.Th., IIa-IIae, q. 108). Elle a comme objet de détruire le mal, pour que le bien soit possible. Le peuple doit le dire non seulement dans le secret des urnes, mais il doit le dire partout, en famille, dans les salons, à l'usine, à son cercle d’amis. Il doit dénoncer les accusations fausses, dénoncer les manœuvres qui spolient ses droits. Il doit reprendre les mots d'ordre de son hymne national : Aux armes citoyens ! Non pas s'armer de Kalachnikovs, mais se munir du bouclier de la vérité dans l'intelligence, du feu de l'amour du bien commun dans la volonté, du courage dans l'irascible et de la tempérance dans les moyens.
Autrement, nous deviendrons un peuple d'esclaves ! Et cela, ce n'est pas français !
Aline Lizotte
La vengeance par St Thomas, c'est un peu islamique comme genre de réaction, moi qui habite dans la région d'origine de ces bons principes pacifistes..et le monsieur (Seigneur Fillon), comme tous ses semblables, enarques ou avocats verreux, s'est cru quand meme bien au dessus des lois. C'est dommage il faut le dire.
Voir le commentaire en entierJe regrette aussi la méthode et le battage médiatique, et ne lis jamais le Canard enchainé qui est le pire exemple du mauvais esprit Français ("Tous des pourris sauf moi et maman"), et qui parraine sans doute un systéme bien verolé aussi. Si un jour (quand la gauche ne sera plus au pouvoir si cela arrive) quelqu'un se penche sur les moyens employés, il y aura bien des surprises la aussi (probablement des enveloppes à des fonctionnaires qui ne demandent que se corrompre et dénoncer leur collégues, politiciens ou non)
Le programme de Fillon est sans doute le meilleur et le plus raisonnable vu l'état de délabrement du système Français (Mais dans le domaine du show biz, ce que l'on voit n'est pas ce que l'on recevra et quand il sera sur le trone de Louis XIV, si il y arrive un jour, il aura aussi des mignons, des barons et des maitresses a remercier).
Le discours de Hollande en 2012 était aussi remarquable. Voter pour des gens c'est du show biz, voter pour des choses, c'est la démocratie ! On en est loin.
Changer de roi ne changera jamais la royauté, et la France a bien besoin de tourner la page du 18eme siécle pour ne pas continuer a se transformer en grand musée totalement anti démocratique.
Pourquoi les députés de "droite" ne demandent pas une enquête parlementaire, le Canard le mercredi, le Pôle Financier le jeudi...?
vecb4chs
Oui il faut se combattre le mal qui nuit, en l'occurrence soumettre l'exorbitant pouvoir médiatique au peuple : à court terme en supprimant toute aide publique et en mettant en lumière les financements privés : les médias seront sanctionnés par leurs lecteurs (électronique ou papier) et s'assainiront. Le cas échéant, élire le CSA au suffrage universel et renforcer ses prérogatives.
Pour mémoire, N Sarkozy, chouchou des cathos en 2007, a nommé Philippe Val, ancien directeur de Charlie Hebdo à la tête de Radio France...