Source [Figarovox] Emmanuel Hirsch se félicite de l'engouement suscité par les états généraux de la bioéthique, auxquels ont déjà pris part 20 000 personnes partout en France. Il met cependant en garde l'exécutif, qui devra honorer les attentes exprimées lors de cette consultation citoyenne.
Depuis la loi relative à la bioéthique du 7 juillet 2011, tout projet de réforme en la matière doit être précédé d'un débat public, organisé sous la forme d'états généraux. Le texte précise que «les états généraux réunissent des conférences de citoyens choisis de manière à représenter la société dans sa diversité. Après avoir reçu une formation préalable, ceux-ci débattent et rédigent un avis ainsi que des recommandations qui sont rendus publics. Les experts participant à la formation des citoyens et aux états généraux sont choisis en fonction de critères d'indépendance, de pluralisme et de pluridisciplinarité.» Rien à voir avec la démarche initiée par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) en janvier 2018, qui s'est fixé l'objectif d'organiser «une vaste consultation» portant sur une question davantage politique que bioéthique: «Quel monde voulons-nous pour demain?»
Or, et peut-être contre toute attente, les citoyens n'ont pas été en reste et ont largement répondu présents à l'appel.
Il convenait de franchir un cap et de ne pas limiter le débat aux questions bioéthiques d'ordre biomédical, qui sont en somme autant de sources de divisions à une heure où la société doit au contraire se rassembler tant les innovations technologiques nous interpellent et justifient une consultation large. Nous avons ainsi évoqué, pour ce qui nous concerne, les «nouveaux territoires» de la bioéthique, estimant nécessaire et passionnant d'intégrer l'intelligence artificielle et le traitement des données de masses aux discussions, élargissant ensuite le débat aux arbitrages relatifs à la régulation des évolutions scientifiques biomédicales.
L'heure n'est plus tant à défaire le passé qu'à nous tourner résolument vers les défis de l'avenir.
La phase de concertation publique, pour le moins brève, s'achève en avril. Sur le plan quantitatif, le bilan de la participation est très positif: les citoyens se sont investis massivement dans la réflexion. Si les contributions exprimées sur le site des états généraux de la bioéthique font apparaître de manière significative deux thématiques (procréation et société: 14 447, prise en charge de la fin de vie: 6 625), il serait hors de propos et probablement dangereux de ne retenir de ces débats que ces deux seuls sujets. Je crois que l'heure n'est plus tant à défaire le passé qu'à nous tourner résolument vers les défis de l'avenir, posés par la révolution numérique.
J'ai moi-même constaté l'engouement d'un public nombreux et assidu au débat sociétal, débat qui à tant d'égards conditionne le devenir de notre démocratie.
Que l'on ne se trompe, la société est mobilisée et réclame de s'approprier de nouveaux savoirs, avec un sens évident du bien commun et une conscience profonde de nos responsabilités au regard des générations futures. Je suis impressionné par l'adhésion du public rencontré au cours de nos débats, notamment à Sciences Po ou à la Mairie du 4ème arrondissement de Paris. La mobilisation a été forte, et cette exigence doit être comprise et respectée. Il ne faudrait pas tromper les Français.
Au cours de ces rencontres, qui ont permis d'aborder les thématiques émergentes et décisives des innovations scientifiques, ce sont les membres représentatifs d'une société qui a envie d'avenir, de sens, de solidarités et de responsabilités partagées qui ont exprimé avec des arguments de qualité leur vision d'un monde qu'il nous faut repenser, inventer ensemble. Leur expertise constitue une richesse qui ne devrait pas être négligée. Certains se demandent dès à présent s'ils ne seront pas déçus par les décisions ou les renoncements qui suivront ces quelques semaines porteuses de promesses.
Il me paraît indispensable d'accompagner avec attention et méthode la phase qui suivra ces états généraux. Certains nous posent déjà des questions et manifestent une certaine impatience, voire une suspicion à l'égard des instances publiques concernées. Quelle sera l'audience effective accordée aux synthèses tirées de ces rencontres en région? Comment seront analysées et prises en compte les nombreuses contributions rédigées par celles et ceux qui ont souhaité participer à la concertation nationale? La parole des experts aura-t-elle plus de poids que les nombreuses interventions, souvent brillantes, de citoyens qui demandent maintenant que leur parole soit entendue?
Au cours de ces dernières semaines, nous avons compris que l'acceptabilité de ces mutations sociales, politiques et culturelles tiendra pour beaucoup à la qualité de la concertation. Nous disposons de ressources au cœur de notre société. Il importe de le comprendre et d'être créatifs d'initiatives démocratiques dont on commence à saisir la valeur.
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