HJ - Permettez moi d'exprimer mon désaccord avec votre article " La génération jean Paul II de plus en plus critique à l'égard de l'Elysée " (Décryptage, 15 août 2004).
Selon vous, les catholiques français sont en majorité proches de la droite, ils ne sont donc pas très méchants, mais il y a quelques exaspérés qui, veuillez les excuser, tombent dans le piège du Front national. En revanche, ceux qui votent Front national et qui se disent catholiques, sont des "intégristes", il ne faut donc pas les confondre avec des gentils catholiques "normaux".
Veuillez excuser cette interprétation. Je croyais vraiment à l'attachement de votre œuvre à la Vérité, et à la radicalité, mais je vois que vous tombez dans le même piège que les médias, en mettant à l'index les personnes qui gênent les bien-pensants, donc les modérés. Je suis tentée de voter Front national. Je m'accroche à mes raisons, même quelque peu obscures, de ne pas me laisser prendre par cette exaspération dont vous parlez. Mais j'aurais encore plus honte de me déclarer catholique, et de m'afficher "à droite" ou "à gauche", vers ces partis qui cultivent patiemment, en souriant, la culture de mort et la culture du fric, sans même avoir les apparences même évanescentes de la gauche, d'agir en faveur des plus pauvres. [...]
Bref, je trouve lâche de se servir d'une communauté qui fait partie de l'Église dans le cœur de Jean Paul II, pour y mettre le gênant électorat du FN. Il est vrai qu'il s'agit d'un vote rédhibitoire dans la communauté dite de Saint-Pie X, mais il y a aussi des catholiques attachés au rite tridentin qui ne sont pas des "intégristes". Je trouve très regrettable que certains tombent dans le piège de l'extrémisme, comme je trouve extrêmement grave de se complaire avec ceux qui sont responsables de la loi Veil, entre autres lois anti-Vie, j'ose dire anti-Homme !
Il est certainement malheureux d'associer en permanence extrémisme et religion, et je comprend l'intérêt de "casser" l'association "FN-catholiques bcbg", mais pas au prix de la vérité.
Volontaire JMJ
J'en profite pour vous poser une question qui me tient à cœur, en tant que jeune de la génération JMJ 97, où je faisais partie d'une équipe de volontaires, époque désormais lointaine en raison de notre arrivée dans l'âge adulte, sans avoir trouvé dans la société ce que nous cherchions en 97. Parmi nous, il y avait des charismatiques, des tradis, des jeunes des aumôneries, plutôt "à gauche", issues des fameuses structures vieillissantes dont vous faites allusion dans votre article, des jeunes d'autres confessions, des jeunes athées, etc. Le Saint-Père nous a donné rendez vous à Longchamp, et l'Esprit-Saint nous y a rejoint, chacun, dans l'intimité de nos cœurs, au delà de nos différences : notre manière de nous habiller, de parler, de prier, peu importait : le Seigneur nous a tous touchés individuellement, et nous avons été heureux d'être ensemble pour témoigner d'un même cœur, de cette soif d'absolu et de Vérité, à laquelle aucun discours politique n'a jamais répondu, mais dont on pourrait s'inspirer !
J'avais tout juste vingt ans en 97. Aujourd'hui, je suis mariée, j'ai deux enfants, et nous construisons petit à petit notre foyer, en cherchant à répondre aux exigences de radicalité de l'Évangile. Nous sommes encore très jeunes, très "adulescents", malgré nos responsabilités et notre attachement à la Foi. Cependant, nous avons toujours la même soif, et je suis sûre que si une mouvance de liberté politique s'attachait à révéler cette soif de radicalité et de vérité chez chaque jeune, sans reprendre les poncifs du genre "les cathos sont comme ceci ou comme cela, il y a les bcbg, les bobos anti-pape, les tratras FN, les tratras-chachas", etc ; si faire de la politique ne consistait pas à cloisonner les personnes dans des groupes de sensibilité ceci ou cela ; si on arrêtait de se juger, et de se protéger des erreurs malheureuses de nos frères, en les mettant à l'écart de peur d'être taxés d'extrémistes généralisés, alors en tant que catholiques, nous pourrions tout mettre à plat, tout reconnaître, afin de préciser les véritables besoins de notre société, sans avoir besoin de nous justifier.
Quels sont les besoins de notre monde ?
Qui sont ceux qui ont le plus besoin d'être secourus ? Qu'est ce que la justice ? Voilà une partie des vraies questions que nous devrions nous poser, au lieu de décortiquer les parti-pris et de fabriquer une communauté catholique présentable, au lieu de se contenter sans arrêt de faire la liste des méfaits du gouvernement à l'égard de la Vie.
Nous ne serons jamais présentables si l'on nous enferme dans des cloisonnements qui ne veulent aujourd'hui plus rien dire.
En lisant votre article, j'ai été encore une fois déçue d'y lire un discours aseptisé et cherchant à correspondre à une image "soft" des catholiques français. Évidemment, je reconnais aller bien au delà de votre article, mais j'ai profité du ras-le-bol de lire cet étiquetage des cathos, pour vous lancer un appel. Je ne me suis pas abonnée pour rien à votre revue (Liberté politique, Ndlr), j'y trouve des réponses, en plus d'une formation intellectuelle solide et enrichissante, mais je serais heureuse d'y trouver un attachement radical et honnête, indépendant de toute exigence de communication moderne, (du style "cachons les colliers de perle et les carrés hermès" pour aller manifester contre le Pacs, par exemple...).
Pour moi, être chrétien en politique, c'est être libre de reconnaître nos faiblesses et nos erreurs, dans un premier temps : oui, des catholiques tombent dans le piège de l'extrémisme, oui, des catholiques "de gauche" refusent l'enseignement du Saint-Père, et manifestent contre Lui, oui, des catholiques se complaisent dans des mondanités et ne semblent pas très attachés à la radicalité de la pauvreté évangélique... Mais ne sommes nous pas tous réunis par la même foi, par la même espérance du Royaume de Dieu, donc par le même désir de construire ici-bas la civilisation de l'amour ? Tel était le discours de Monseigneur Dubost aux volontaires des JMJ 97 : que chaque jeune s'assoie et regarde le monde, et se demande ce dont il a besoin, afin de répondre avec ses compétences, et surtout avec son cœur, et qu'il se mette à bâtir la civilisation de l'Amour. Mon époux et moi avons écouté ce discours ensemble, et nous y pensons encore tous les jours.
Construire notre famille chrétiennement, voilà notre petite réponse en ce qui concerne les besoins de la société qui manque de familles unies et solides. C'est aujourd'hui notre tâche quotidienne d'être de bons époux et de bons parents.
Mais les lois anti-famille et anti-vie sont si nombreuses qu'il nous faut nous engager plus avant, c'est pourquoi nous aimerions trouver une association politique qui ne ferait pas cas des faiblesses de notre communauté catholique mais qui chercherait tout simplement, dans un deuxième temps à construire un monde plus juste où tous se sentiront accueillis.
Enfin, je crois qu'il serait bon de radier de notre vocabulaire le mot "intégriste", sachant qu'il n'y a pas d'intégrisme dans l'Église catholique, mais des schismes, malheureusement. Arrêtons les étiquettes. Les cathos de gauche critiquent nos allures "tailleur chic et bague marguerite", les cathos de droite s'enferrent dans des discours "modérés", ce qui signifie tiède, et nous savons ce que cela devient... Les cathos "extrémistes" ricanent des "progressistes", oui, nous avons bien des moyens de rajouter des précisions à la liste des différences entre catholiques, et nous avons bien du mal à éviter que les étrangers à notre communauté ne nous assimile à l'un ou l'autre groupe !
Alors pour ne pas tomber dans ce piège, qui doit d'ailleurs bien faire rire nos décrieurs, cherchons à nous comprendre, cherchons à nous réunir. Témoignons en dépit de nos divisions, mais sans nous entre-critiquer. Finissons en avec nos querelles de chapelles ! De plus, que peuvent-ils comprendre des différences que nous faisons entre intégristes et catholiques "de base" ?
Le monde a soif, nous avons soif, et nous nous battons devant le puits que nous proposons à ceux qui ne savent pas où il est. Qui aura donc envie d'aller y puiser ?
LA REPONSE DE FRANOIS DE LACOSTE LAREYMONDIE*
FLL - Tout d'abord, sachez combien nous nous sentons en phase avec le cœur de votre propos, lorsque vous évoquez le rendez-vous que le Saint-Père nous a fixé à Longchamp où l'Esprit-Saint nous a effectivement rejoints. Source autant qu'expression de notre "génération JP II" qui rajeunit le visage de l'Église en France (au sens spirituel bien sûr), ces JMJ ont illustré autant qu'accéléré le tournant auquel elle a participé et qui nous sert ici de référence à propos de l'engagement politique des catholiques de France.
De fait, vous avez certainement apporté, à votre niveau personnel, la bonne réponse à la question que vous vous posez de votre engagement dans la cité : il s'agit bien d'abord de construire chrétiennement sa propre famille. Et comme vous êtes au début de la route avec vos jeunes enfants, c'est sans doute votre priorité. Avec néanmoins ce que cela comporte de radicalité quotidienne et concrète : quel rythme de vie adopter et en particulier quelle répartition travail/famille du temps et de l'énergie, et comment par exemple sanctifier concrètement le dimanche ? Quelle vie paroissiale adopter et par conséquent quel temps y consacrer et pour quel type d'activité ? Quelle école choisir pour les enfants et à quel degré s'y impliquer ? L'énumération n'est pas exhaustive ; mais voilà sans doute par quoi commence l'engagement concret du chrétien dans la cité d'une façon cohérente. Je ne dis pas cela pour dévaluer d'autres types d'engagements, mais parce qu'en pratique ces autres engagements y trouvent souvent leur source et leur première matière concrète.
De fait, la jeune génération de chrétiens l'a davantage compris que la précédente et le prend au sérieux. C'est pourquoi elle est moins complexée par rapport à la politique qu'elle met à sa juste place et qu'elle regarde sans appréhension ni surestimation.
Quelle radicalité ?
Mais il ne faut pas confondre ce type de démarche personnelle, pour significatif qu'il soit, avec l'expression de sa portée politique. Au plan sociologique et électoral, il n'est pas exact que les catholiques se répartissent également sur tout l'éventail politique : les partis de la droite classique le savent bien qui en ont abusé. À l'inverse, il n'est pas vrai non plus que l'engagement politique (au sens de partisan) des chrétiens se proclamant tels, ait été homogène à l'électorat : il a plutôt servi certains partis de gauche qui s'en sont également abondamment servi. C'est ce déphasage qui s'est révélé au cours des dernières années, au moment d'ailleurs où il entrait en voie d'extinction, en raison de l'échec des uns et des autres.
Cet échec, finalement, rend les catholiques de la nouvelle génération plus libres et plus influents, malgré leur petit nombre objectif, que leurs aînés pourtant plus nombreux. Et ce, à condition d'être plus cohérents que ceux-ci comme ils en manifestent le goût et la volonté. C'est que nous voulions souligner dans cet article, quand nous évoquons leur désir de visibilité.
C'est à ce niveau qu'il faut placer la question de la radicalité, plus qu'à celui de l'appartenance partisane : l'expérience nous a appris à nous méfier d'une radicalité formelle au niveau politique qui est celui, faut-il le rappeler, du contingent et de l'exercice de la vertu de prudence. La radicalité partisane est trop proche de l'idéologie pour ne pas y sombrer. Voilà notamment pourquoi le Front national ne constitue pas un choix politique porteur d'avenir de notre point de vue : ici aussi, ceux qui s'y sont essayés ont été récupérés et utilisés par une idéologie à dominante paganiste (pardon pour le néologisme, mais il renvoie bien aux racines intellectuelles que ce mouvement plonge dans les travaux du Club de l'Horloge). Et sans mépriser les fidèles qui se sont reconnus dans la révolte de Mgr Lefevbre, ni juger leur for interne (au for externe, leur situation vis-à-vis de l'Église est hélas assez claire depuis la matérialisation du schisme), il faut néanmoins constater le fourvoiement politique qui a été le leur et déplorer le gâchis de tant d'énergie et de valeurs humaines...
En fin de compte, nous sommes moins en désaccord qu'il n'y paraît, mais nous observons la question sous des angles un peu différents, ...en cours de convergence serais-je tenté de dire.
* François de Lacoste Lareymondie est vice-président de la Fondation de service poilitique.
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