[Source: Magistro]
Derrière le football, la pagaille française.
Le Système n’est plus à une affabulation près. Avec l’ouverture de l’Euro de football, ce vendredi à Paris, la propagande d’État va promouvoir la nation rassemblée, tolérante, optimiste, victorieuse. "Vous êtes la France, toute la France", a assuré dimanche le chef de l’État, venu rencontrer les Bleus à Clairefontaine (Yvelines). "L’esprit collectif" s’annonce comme le slogan simplet des commentateurs paresseux. Les professionnels du mensonge sur le "vivre-ensemble" espèrent au moins avoir raison durant ce mois sportif. Mais leur insistance à promouvoir un pays fictivement unifié, en divertissant des foules parquées dans des stades et des fans zones, témoigne du vide qui s’est installé dans une République qui se délite. En venir à admettre que le foot professionnel, corrompu jusqu’à l’os, est seul capable d’unir les citoyens dit tout des maux dont souffre la France éclatée.
Il est vrai que le gouvernement ne manque pas d’air, dès qu’il s’agit de déguiser les réalités. Vendredi dernier, il avait convié trente pays à Paris dans la perspective de relancer la paix au Proche-Orient, en l’absence des Israéliens et des Palestiniens. Mais comment peut-il espérer être pris au sérieux au plan international, alors que, sur ses propres plates-bandes, les minorités militantes le mènent par le bout du nez et l’humilient tant et plus ? La solidarité nationale est une blague quand la CGT, FO et Sud appellent à manifester de nouveau le 14 juin contre la loi El Khomri, en dépit de l’Euro. Cette semaine, les mêmes syndicats radicaux continuaient de semer la pagaille dans les transports ferroviaires, sans considération pour les usagers ayant de surcroît à affronter les inondations. Les éboueurs et les pilotes d’Air France n’ont pas renoncé à prendre la relève. Le pouvoir est un paillasson.
La France de l’Euro 2016 est un pays à genoux, malmené par les castes déconnectées, les corporations égoïstes, les communautés revanchardes. Elle est menacée par les montées en puissance de la déculturation, de la violence, du terrorisme. Observer le gouvernement désemparé se jeter dans les bras d’un football frelaté élevé au rang de culte rend la situation pathétique. "Je montre l’exemple à beaucoup de jeunes", a pu dire, hélas avec raison, le joueur Karim Benzema, qui a toujours refusé de reprendre La Marseillaise avant un match, préférant parfois cracher à cet instant. Son implication dans une affaire de chantage à la "sextape", qui lui vaut d’avoir été écarté de la sélection par Didier Deschamps, n’est qu’un aperçu des coulisses de ce sport, pourri par l’argent et la crétinerie. Quand Le Monde consacre deux pages d’entretien, mercredi, avec le joueur Zlatan Ibrahimovic et ses délires narcissiques, la course à l’abîme se confirme.
Du pain et des jeux : là est le vil populisme auquel se prête la gauche qui n’a de cesse de dénoncer cette dérive chez les autres. La droite non plus ne ferait probablement guère mieux dans la flatterie de la foule, anesthésiée par ce nouvel opium.
Dimanche dernier à Nice, ville de Christian Estrosi (LR), c’est dès 5 h 30 du matin que des micros beuglants ont envahi la Promenade des Anglais, pour commenter une épreuve d’endurance baptisée Ironman. Cette attirance pour le bruit abrutissant est un conditionnement qu’ont toujours affectionné les totalitarismes confrontés aux vies privées et au silence des consciences. C’est avoir une piètre considération des citoyens et de leurs aspirations de les assommer de la sorte. Réduire la France au foot national est ajouter la déchéance au déclin (1).
(1) Allez vous faire foot ! , Club des Ronchons, Éditions des Paraiges
Paru dans Le Figaro, 10 juin 2016
Absolument d'accord avec ce que Yvan Rioufol a écrit sur le fôôôt