Pour parvenir à réduire le chômage, le gouvernement de Dominique de Villepin a imaginé de nouveaux instruments : le Contrat Première Embauche (CPE) après le Contrat Nouvelle Embauche (CNE). Ces deux contrats sont destinés à lutter contre la précarité tout en introduisant davantage de flexibilité sur le marché du travail.
En fait, il s'agit d'un essai maladroit, car la précarité des emplois reflète la volonté d'éviter les hausses de salaires. Or le problème fondamental qu'il faut résoudre, mais que peu d'hommes politiques osent expliciter, est le suivant : relativement aux autres pays, dans une économie de plus en plus mondialisée, le coût du travail est trop cher en France.
Dans le secteur exposé à la concurrence internationale, compte tenu de la qualification des salariés, le coût relatif du travail est jugé trop élevé par les entreprises. Non seulement leur compétitivité est pénalisée pour le commerce extérieur, mais le territoire national n'est plus assez attractif pour elles. C'est pourquoi les entreprises renoncent à développer, en France, des investissements de capacités de production, seuls créateurs de croissance économique véritable ; elles tendent au contraire à délocaliser les emplois. Les causes de ce coût excessif sont à la fois internes et externes.
Sur le plan intérieur, l'emploi et le nombre d'heures travaillées sont insuffisants en France, conséquence de la retraite à 60 ans, des préretraites et des 35 heures. Or ce n'est pas en travaillant moins que l'on parviendra à réduire le chômage. En résulte un véritable cercle vicieux.
Ceux qui ont un emploi productif sont les seuls à créer de la richesse, puisqu'ils assurent le PIB, tandis que les dépenses publiques sont destinées à l'ensemble de la population. Plus la part relative de l'emploi productif dans la population totale est faible, plus le poids des dépenses publiques dans le PIB est élevé. À moins d'élever indéfiniment l'endettement de l'État, le financement de ces dépenses doit ainsi être opéré par des prélèvements obligatoires dont le niveau relatif, en France, s'avère excessif, pesant sur le coût du travail.
Sur le plan extérieur, il faut bien se rendre compte que la comparaison des coûts salariaux, charges incluses, n'a de sens que si on les effectue dans la même unité monétaire. En France, comme dans les grands pays voisins, la majeure partie de l'excès des coûts salariaux est imputable à la surévaluation manifeste de l'euro par rapport à la quasi-totalité des autres monnaies. Ce phénomène est déjà sensible vis-à-vis du dollar, et il est encore plus évident vis-à-vis des monnaies "bon marché" dans les pays émergents d'Asie, en particulier la Chine. Un euro "cher" pénalise les pays de la zone euro.
Le dos au mur
À droite comme à gauche, les responsables des partis de gouvernement semblent ignorer cet aspect essentiel. Le rejet du référendum européen, le 29 mai 2005, aurait dû pourtant leur ouvrir les yeux. Une politique consistant à développer naïvement dans tous les domaines la concurrence, qui favorise les consommateurs, mais sans se soucier des producteurs, apparaît de plus en plus néfaste aux Français. Elle explique leur rejet du référendum, de même que le "zapping" électoral ou la montée des partis extrémistes.
Dans ces conditions, le "Contrat Première Embauche" ne fait qu'ajouter une nouvelle formule au contrat de travail, dans un maquis déjà inextricable. Quel que soit le gouvernement, et malgré la baisse de la population active à partir de 2006, aucune politique contre le chômage ne réussira vraiment. La véritable solution ne pourra résulter que d'une reprise de la croissance, enrayant le déclin de notre pays et rendant les réformes acceptables par le corps social. Ceci implique obligatoirement un changement drastique de la politique monétaire et de la politique de concurrence, décidées au niveau européen contre le vœu des citoyens des différents pays.
La croissance était repartie en France à la fin des années 90, quand la monnaie était temporairement redevenue moins chère. C'est pourquoi on ne peut que regretter le contexte politique malsain dans laquelle s'insère le CPE. À gauche, les responsables suivent la surenchère extrémiste en s'opposant à toute réforme, quelles que soient les intentions du gouvernement, alors qu'ils portent une lourde responsabilité dans la situation présente. À droite, le Premier ministre a voulu prouver son libéralisme vis-à-vis de son ministre de l'Intérieur, tandis que celui-ci faisait le service minimum pour apporter le soutien de son parti.
Mais le débat est si mal engagé que, si elle veut maintenir la lutte contre le chômage, l'équipe actuelle est acculée le dos au mur. À moins de remettre en cause les contraintes européennes dans lesquelles les gouvernements successifs se sont laissés enfermer.
*Gérard Lafay est professeur à Paris II, membre de l'association des économistes catholiques.
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