Les électeurs corses (50,98 %) ont voté " non " à la réforme institutionnelle prévoyant la création d'une collectivité territoriale unique. Un résultat ambigu qui appelle trois considérations : sur le principe même de la consultation, sur son objet, sur la capacité de la société française à se réformer.
1/ Il faut certainement commencer par s'interroger sur la nature même de la consultation. Doit-on souligner que ce n'était pas un référendum, appellation contrôlée et réservée à l'application de l'article 11 de la Constitution, mais une "consultation" qui, comme son nom l'indique, n'avait aucun caractère décisoire. Mais, dès lors qu'on sollicite ainsi les électeurs et que le président de la République et son gouvernement s'engagent comme ils l'ont fait, on démontre à la fois la vanité de ce rappel et le danger de la procédure : elle permet en effet aux électeurs, comme à chaque fois, de répondre aux questions qu'on ne leur pose pas et de manifester leur humeur. D'où une coalition de mécontentements qui se cristallisent aisément autour d'une réponse simple (oui ou non selon les circonstances), ici le non, notamment de la part des fonctionnaires. Ce qui explique sans doute sa prévalence à Ajaccio et plus encore à Bastia, chef-lieu d'un département appelé à disparaître.
2/ Il est clair également que le caractère hétéroclite du camp du oui a perturbé les esprits : la position favorable prise par les nationalistes n'avait certainement pas la même signification que celle du gouvernement, alors que les partisans locaux de l'"État Républicain" penchaient plutôt de l'autre côté. Ce combat à fronts renversés où les lignes adverses se mêlent, a certainement brouillé les cartes et entravé la mobilisation de ceux qui souhaitent sincèrement que l'île sorte enfin du piège où les nationalistes l'ont fait tomber : 60% de votants, c'est peu pour une "grande première" dont l'enjeu local était aussi important et médiatisé.
Incidemment, ce taux de participation médiocre nous signale que le déclin de l'intérêt pour les questions politiques n'est pas enrayé, et que ses conséquences perdurent, en premier lieu l'abstention, et son corollaire : le recours à la rue et à la violence. C'est peut-être sous cet angle que l'arrestation d'Yvan Colonna a eu un impact, s'il en a eu un qui soit univoque, ce dont je doute.
3/ La vraie question que pose ce résultats est celle de la capacité du pays à regarder en face ses difficultés et à accepter d'y remédier. En fin de compte, et ce serait le facteur commun de toutes les opinions qui ont contribué à la victoire (modeste au demeurant) du non, il apparaît de plus en plus clairement que, dans chacune des composantes de l'opinion publique, prise dans sa plus grande généralité, et quels que soient les sujets, si, à la limite et quand on accepte de faire abstraction de l'idéologie, on est intellectuellement prêt à reconnaître l'existence des problèmes et à les analyser, tout remise en cause personnelle est systématiquement rejetée. La réforme, c'est toujours bon pour les autres ; jamais pour soi !
Le dogme des "droits acquis" et de leur augmentation continue est profondément ancré, après 50 ans d'effet de cliquet et d'échelle de perroquet dans tous les domaines. C'est bien pourquoi la décentralisation est à la fois une nécessité et une impasse : une nécessité parce qu'il faut casser le caillou en plusieurs morceaux pour le traiter quand il est trop gros (cf. l'Éducation nationale) ; et une impasse parce qu'elle est contraire à la fois à notre culture politique, et pas seulement depuis 200 ans (les rois ont fait la France contre les féodalités), et à notre mentalité très égalitariste.
Il est clair que décentraliser conduit à traiter différemment les situations à Lille et à Marseille : les régions riches auront plus de moyens, les plus dynamiques auront plus d'imagination, etc. Constat évident mais qui n'est pas acceptable pour encore la majorité de nos concitoyens. Il n'est cependant pas sans poser de réelles questions de fond sur la nature et l'avenir de la société française.
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