30 milliards de déficit pour les retraites publiques

Source [IFRAP] : La revue Commentaire a publié dans son numéro de printemps une étude intitulée « Le système de retraites : équilibre conventionnel et déficit public » particulièrement remarquable sur l’impact réel des retraites sur le déficit public et la part attribuable aux régimes de retraites des fonctionnaires. Cette note montre l’urgence à réformer le système des retraites.

L’objectif de la publication est d’évaluer la situation financière réelle de la protection sociale vieillesse. L’étude déplore le biais d’information consistant à sous-estimer le besoin de financement du système de retraite. Souvenons-nous qu’en 2017 Emmanuel Macron avait justifié par un quasi équilibre des comptes le choix de ne pas revenir sur l’âge légal à 62 ans et la nécessité de se lancer dans une vaste consultation pour mettre en place une réforme systémique qui aura finalement échoué.

En effet, la modestie des déficits publiés de 2017 à 2019 (moins de -0,2 % du PIB) et même en 2020, année de crise exceptionnelle (– 0,6% du PIB) permet de comprendre pourquoi les parties prenantes, élus, partenaires sociaux, médias considèrent souvent comme « soutenable » le déficit des régimes de retraites, particulièrement dans cette période de « quoi qu’il en coûte », et la nécessité de prendre son temps pour améliorer la concertation. Or c’est tout l’inverse : il y a urgence. Et c’est bien ce que montre ce document détaillé.

Si nous souffrons d’un manque d’information sur l’ampleur réelle des déficits, ce n’est pourtant pas faute d’organismes chargés d’étudier le système de retraites : entre le Conseil d’Orientation des Retraites et ses 39 membres, le Comité de Suivi des Retraites et ses 5 spécialistes indépendants, le rapport de la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale, les rapports spéciaux servant à la discussion parlementaire du PLFSS et du PLF, les rapports financiers et d’activité des caisses de retraite, … nous devrions finir par parvenir à une vision commune. Pourquoi en est-il autrement ?

La principale de ces publications, le rapport annuel du COR, fournit chaque année un compte consolidé des dépenses et des ressources des régimes obligatoires (de base et complémentaires) et donc un solde global de la protection vieillesse, ainsi que des projections basées sur un certain nombre de prévisions démographiques et économiques. Avec des hypothèses de croissance parfois jugées trop optimistes sur le futur, qui ont souvent suscité le débat et qui vont d’ailleurs être prochainement révisées à la baisse, mais surtout avec un biais fondamental sur la situation financière réelle des retraites obligatoires.

Une présentation « conventionnelle » des déficits actuels

Le constat sur le solde est trompeur car basé uniquement sur les déficits qui ne sont pas couverts par l’Etat, les collectivités locales ou les hôpitaux. En clair, le besoin de financement du COR comprend les seuls déficits des régimes des salaries privés. Pour le COR qui s’est exprimé à plusieurs reprises sur le sujet, il s’agit d’une convention de présentation du déficit du système de retraites qui met volontairement de côté les déficits des régimes de retraite des fonctionnaires, des agents des entreprises publiques ainsi que les régimes des exploitants agricoles, tous couverts par des subventions et des taxes affectées. Ces régimes ne sont pourtant pas marginaux, ils représentent 27 % des dépenses totales de retraite.

Les conséquences de cette méthode sont graves : non seulement elle ne permet pas de toucher du doigt l’ampleur des déficits et donc de mesurer l’urgence d’une réforme, mais plus largement, elle ne permet pas de mettre en évidence l’origine des déficits publics et notamment la contribution des retraites au déficit des comptes publics.

Comment évaluer ce déficit ?

Il est facile d’abord de prendre en compte, au-delà des soldes publiés par le COR, les concours publics servant à couvrir les déficits des 13 régimes spéciaux et d’exploitants agricoles. Ils sont retracés dans les rapports préparatoires à la discussion budgétaire de l’automne soumis au Parlement et autorisant les subventions ou transferts d’impôts. Pour 2020, ils représentent 12 Mds €, y compris le régime des ouvriers de l’Etat. Mais ce n’est qu’une fraction des contributions publiques. Reste le cas des deux principaux régimes spéciaux, celui des fonctionnaires de l’Etat (CAS Pensions) et celui des fonctionnaires locaux et hospitaliers (CNRACL).

S’il n’est pas possible de retracer les déficits de ces deux caisses c’est parce que les cotisations versées par les employeurs publics sont très élevées pour équilibrer les comptes. La cotisation employeur est de 74,3 % sur le traitement des fonctionnaires civils de l’Etat, 30,6 % sur les traitements des fonctionnaires locaux et hospitaliers, très au-dessus des cotisations versées par les autres employeurs en France au niveau de 16,5 % du salaire.

 

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