[Source : Boulevard Voltaire]
La Ve république exhibe ses valeurs dans tous les salons comme une Madame Claude ses pensionnaires, mais plus personne n’en veut.
Les résultats de ce récent sondage IFOP sont consultables sur le site Atlantico. On a demandé aux Français ce qu’ils pensaient des mots « valeurs républicaines » et « identité nationale », « alors qu’ils sont de plus en plus utilisés dans le discours politique français depuis les attentats ». Le résultat est sans appel : les mots ont été « galvaudés » et « ont perdu de leur contenu ». Pour le dire autrement, ils n’ont plus aucune signification pour les Français.
Tu m’étonnes. La Ve République exhibe ses valeurs dans tous les salons comme une Madame Claude ses pensionnaires, mais plus personne n’en veut.
Usées, ratatinées, fardées comme une voiture volée, elles ont traîné dans trop de discours malodorants, se sont roulées dans trop de compromissions, ont fait le tapin pour trop de politiques, sur leurs talons aiguilles liberté, dans leur string égalité, en faisant tournoyer leur petit sac fraternité. Quand leur vrai nom est lâcheté, pusillanimité, incapacité. Convoquées au chevet des victimes à chaque attentat, elles restent là, bras ballants, avec leur air contrit et leur compassion niaise. Et l’on s’inquiète qu’elles laissent les Français de marbre ?
Même la petite identité, exsangue, ne ressemble plus à rien, macérée dans le jus de toutes les officines politiques jusqu’à dissolution complète. Quand Juppé la décrit « heureuse », il nous prend surtout pour les imbéciles du même nom. L’identité suppose de s’identifier. À qui, à quoi, puisque le simple fait de se trouver une ressemblance culturelle, spirituelle, intellectuelle, physique, historique est déjà suspect ? L’identité de la diversité telle que nous la vendent nos politiques est un oxymore aussi facilement conceptualisable et séduisant que le brushing d’un chauve ou le bas résille d’un cul-de-jatte. Et l’on s’étonne qu’elle laisse les Français froids ?
Il semblerait, mes chéris, que la soupe d’agence de pub et le jus de cerveau de communicant qui, pour le toiletter et l’aseptiser, ont vidé de leur substance chaque mot comme un œuf à la coque aient fait leur temps. La flûte, le pipeau s’accordent assez bien avec le son du violon. Mais quand retentit le son du canon, cela agace. On a envie de virer tout ce petit monde avec un grand coup de pied dans le fondement, en les priant d’aller pousser la chansonnette ailleurs. Plus trop le temps de s’amuser.
On n’apprivoisera pas les Français sans réapprendre à parler leur langue, une langue vraie, incarnée, de bon sens, rugueuse, parfois, car sans détours. Au risque de choquer.
Gabrielle Cluzel
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