[Source : Valeurs Actuelles]
Billet d'humeur. Raphaël Stainville, rédacteur en chef du service politique de Valeurs actuelles, réagit à la nouvelle ligne d'attaque d'Alain Juppé dans l'entre-deux tours de la primaire de la droite.
Chez le maire de Bordeaux, prévenait Anna Cabana qui connaît son Juppé sur le bout des doigts, “l’orgueil l’emporte sur l’ambition”. “Le meilleur d’entre nous”, le fils et l’héritier de Jacques Chirac, se devait de toute éternité d’être le prochain chef de l’Etat, celui qui devait définitivement clore la parenthèse sarkozyste, cet intrus qui n’était pas de son monde, pas de sa droite et n’appartenait pas aux mêmes cercles que lui. Les sondages et les journalistes l’avaient déjà sacré. Hillary Clinton lui donnait déjà du “Mister President”. La primaire ne devait être qu’une formalité. C’était sans compter sur la surprise Fillon.
Alain Juppé l’avait sagement épargné pendant la campagne, se contentant d’admonester de sages leçons. A quoi bon l’attaquer quand il devrait rassembler le centre, le centre gauche et même... jusqu’à sa droite. Le maire de Bordeaux était sûr de son fait. Ses proches s’étaient déjà répartis les postes clefs. Et soudain, voilà qu’Alain Juppé découvre en François Fillon, un libéral fou, pire, un conservateur de la pire espèce. Son crime ? Considérer que l’avortement n’est pas un droit fondamental. Pire, confesser que “philosophiquement et compte tenu de ma foi personnelle, je ne peux pas approuver l’avortement”. Sans pour autant le remettre en cause ni vouloir rouvrir le débat.
Alain Juppé qui se réclame du pape François et pense que sa parole est d’Evangile l’a sans doute-t-il mal entendu parler de l’avortement. Un “mal absolu” et un “crime”, confiait-il aux journalistes qui l’accompagnaient entre Mexico et Rome, le 18 février 2016. Dans cette soudaine irruption volontaire de grosse-tête (IVG) dans la campagne, il faut surtout y voir la stratégie désespérée d’un ex-futur président qui ne compte plus pour se faire élire que sur l’appui des progressistes de tous camps.
Mais les soutiens d’Alain Juppé - de Manuel Valls en passant par Laurent Joffrin qui s’époumone aujourd’hui dans Libération contre “ce Tarik ramadan des sacristies” que serait François Fillon -, devrait mesurer à quel point cette stratégie hasardeuse achève de le suicider politiquement. Certains hésitaient peut-être à droite, après que leur candidat eut été défait, de voter dimanche prochain pour conforter le succès de François Fillon et assoir sa légitimité. Alain Juppé ne fait que les pousser davantage à prendre part à cette élection pour ne pas voir la gauche se choisir le candidat dont elle rêverait. Les propos que le Canard Enchainé, dans son édition à paraître, prêtent Alain Juppé, considérant que le maire de Bordeaux part à l’assaut de “la France moisie” de Fillon, devraient les inciter à sceller le sort du roi de Bordeaux.
Raphaël Stainville
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