[Source : Le Salon Beige]
Les journalistes de Libération sont confrontés au principe de réalité... Michel Becquembois, rédacteur en chef adjoint à «Libération», écrit à ses "amis qui trichent avec la carte scolaire" :
"[...] Nous sommes globalement blancs, favorisés, progressistes, tolérants, votons à gauche malgré nos déceptions. Nous avons 40 ans maintenant, et nos enfants entrent en sixième. Vous représentez toutes les strates de ma vie : amitiés lycéennes, étudiantes, professionnelles, parents d’élèves devenus proches… Et vous avez craqué. Presque tous. Les uns après les autres. Vous avez fait «un autre choix que le collège de secteur».
Pourtant, pour être honnête, ils étaient rarement problématiques, vos collèges de secteur. Mais vous aviez tous une bonne raison. Et individuellement, elles s’entendent : Juniorette est très sensible, et le collège où elle est affectée est un très gros bahut où elle risque d’être perdue, Junior préfère être scolarisé avec son cousin, ça sera plus simple pour les trajets… Mais, par-dessus tout, il y a l’excuse massue : l’établissement où Junior doit être affecté, «on n’en dit pas que du bien», et puis «il y a un problème de niveau, les bons ne sont pas assez stimulés».
Parce que la mixité scolaire, ça va bien à la maternelle et à la primaire. Mais au collège, fini de rigoler, on retrouve ses semblables. Les populations «défavorisées» «tirent la classe vers le bas». Alors que Juniorette, elle, elle est limite surdouée. La réversibilité de l’argument (et si c’était plutôt Juniorette et ses potes qui allaient tirer la classe vers le haut ?) n’est jamais envisagée : les beaux principes de jeunesse, les idéaux de gauche, de mélange, d’égalité, de société ouverte où les forts épaulent les faibles, éclatent sur le mur de l’amour filial. On se résigne à l’entre-soi en se trouvant des excuses. Les convictions s’arrêtent là où commence Junior.
Pourtant, vous les connaissez, les bienfaits de la mixité scolaire, le bien-fondé, pour un quartier, pour une société, de l’hétérogénéité sociale. Mais pour Junior, une bonne petite classe de niveau, ce serait pas mal. Pourtant, ce quartier, vous étiez content de vous y installer. Un quartier mélangé, comme on dit, nous autres gentrificateurs. D’ailleurs, ce mélange, il était pratique il y a quelques années : il rendait abordable le niveau des loyers ou le prix du mètre carré. Mais dix ans plus tard, ce mélange devient embarrassant…
Alors on triche. Vous trichez, les amis. Je vous aime mais vous trichez. Avec la loi, mais surtout avec les principes républicains que vous continuez à défendre sans voir la contradiction. Vous trichez : vous falsifiez des factures EDF, vous inscrivez Junior à des cours de trombone, vous vous faites domicilier chez une vieille marraine qui a une chambre de bonne place du Panthéon, vous emménagez fictivement chez un parent d’élève complice de l’autre côté de la rue, histoire de pouvoir mettre votre nom sur la boîte aux lettres. Ou vous allez dans le privé, ce qui permet, à défaut de sauvegarder la morale que vous prôniez il y a peu, d’éviter l’illégalité. [...]"
S'il continue à creuser, il risque de découvrir que ses amis sont tous racistes...
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