[Source : Le Salon Beige]
Rappel opportun de Denis Sureau à propos de ceux qui semblent considérer que vouloir réformer la Sécurité sociale impliquerait d'être libéral voire "ultra-libéral" :
"Ils semblent oublier que les catholiques sociaux - et antilibéraux - et l'Eglise ne promeuvent pas la Sécurité sociale comme la solution à défendre. Bien au contraire. Historiquement, les chrétiens sociaux ont d'ailleurs été des pionniers dans la création des mutuelles et coopératives, dans une société dévastée par le capitalisme libéral. Mais en 1945, les communistes parvinrent à imposer au gouvernement provisoire dirigé par De Gaulle la nationalisation des nombreuses caisses existantes (et rentables). De la spoliation de tous leurs avoirs naquit la Sécurité sociale. Un grand syndicaliste chrétien tel que Gaston Tessier avait deviné les conséquences de l’institution de ce monopole de la Sécurité sociale : irresponsabilité, gabegie, injustice.
Le 2 novembre 1950, Pie XII prononça une allocution prophétique au sens fort du terme :
« Il y a une parole que l’on répète actuellement beaucoup :"sécurité sociale" (…). Si cela veut dire sécurité grâce à la société (…), Nous craignons non seulement que la société civile entreprenne une chose qui, de soi, est étrangère à son office, mais encore que le sens de la vie chrétienne et la bonne ordonnance de cette vie n’en soient affaiblis, et même ne disparaissent (…). Pour les chrétiens et, en général, pour ceux qui croient en Dieu, la sécurité sociale ne peut être que la sécurité dans la société et avec la société, dans laquelle la vie surnaturelle de l’homme, la fondation et le progrès naturels du foyer et de la famille sont comme le fondement sur lequel repose la société elle-même avant d’exercer régulièrement et sûrement ses fonctions » (Discours aux évêques venus à Rome pour la définition du dogme de l’Assomption, 2 novembre 1950).
Deux ans plus tard Mgr Montini (futur Paul VI) ajoutait :
« Une sécurité sociale qui ne serait qu’un monopole d’Etat porterait préjudice aux familles et aux professions en faveur et par le moyen desquelles elle doit avant tout s’exercer. »
L'Eglise avait fort bien compris la différence de nature entre d’une part le système où l’Etat providence prétend régenter l’être humain de la vie à la mort en le protégeant contre tous les risques de la vie (maladie, chômage, pauvreté, vieillesse... ) et d’autre part les protections librement voulues et organisées par les familles et les métiers contre des risques de même nature. Dans une société organisée selon l'enseignement social de l'Eglise, chacun devrait pouvoir choisir sa protection, avec une implication des communautés intermédiaires d'appartenance (école, branche professionnelle etc.).
La Sécurité sociale est contraire au principe de subsidiarité. Pie XII craignait d’ailleurs que « la société civile s’occupe d’une chose qui de soi est étrangère à ses attributions ». La faillite de la Sécu est le symptôme de ce désordre grave. Mais la mise en garde du pape allait encore plus loin, puisqu’il redoutait que ce système porte préjudice à la fécondité de la famille et satisfasse des « revendications malthusiennes ». Le remboursement de la contraception et de l’avortement prouve que cette crainte était justifiée, tout comme le délabrement progressif de la politique familiale.
Il faut donc en finir avec ce monopole d’Etat illégitime, cette immense machine à absorber les richesses, cette bureaucratie asphyxiante et stérile. Non pour livrer la protection sociale à quelques assureurs avides de profit mais pour restituer leurs droits aux familles, aux métiers et aux régions, l’Etat ne conservant qu’une fonction de suppléance, d’aide et d’arbitrage, et veillant à ce qu'une protection sociale minimale soit garantie. Mais anesthésiés par l’assistanat, les Français sont-ils encore capables de prendre en mains leur destin et d’inventer de nouvelles formes de mutualité ?"
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F. Bastiat, déjà au milieu du 19e siècle, ne disait pas autre chose:
Voir le commentaire en entier"Qu'est-ce donc que cet Etat qui prend à sa charge toutes les vertus, tous les devoirs, toutes les libéralités? D'où tire-t-il ces ressources, qu'on le provoque à épancher en bienfaits sur les individus? N'est-ce pas des individus eux-mêmes? Comment donc ces ressources peuvent-elles s'accroître en passant par les mains d'un intermédiaire parasite et dévorant? N'est-il pas clair, au contraire, que ce rouage est de nature à absorber beaucoup de forces utiles et à réduire d'autant la part des travailleurs? Ne voit-on pas aussi que ceux-ci y laisseront, avec une portion de leur bien-être, une portion de leur liberté?"
"Faut-il donc tant de raisonnements pour démontrer que, lorsque les hommes n'ont plus la certitude de jouir du fruit de leur travail, ils ne travaillent pas ou travaillent moins?
Sous ce régime, les capitaux ne pourront plus se former. Ils seront rares, chers, concentrés. Cela veut dire que les salaires baisseront, et que l'inégalité creusera, entre les classes, un abîme de plus en plus profond. Les finances publiques ne tarderont pas d'arriver à un complet désarroi. Comment pourrait-il en être autrement quand l'Etat est chargé de fournir tout à tous? Le peuple sera écrasé d'impôts, on fera emprunt sur emprunt; après avoir épuisé le présent, on dévorera l'avenir..."
"Cela veut-il dire qu'elle (la loi) interdira les actes de dévouement et de générosité? Qui pourrait avoir une telle pensée? Mais ira-t-elle jusqu’à les ordonner? Voilà précisément le point qui divise les économistes et les socialistes.
Si les socialistes veulent dire que, pour des circonstances extraordinaires, pour des cas urgents, l'Etat doit préparer quelques ressources, secourir certaines infortunes, ménager certaines transitions, mon Dieu, nous serons d'accord; cela s'est fait; nous désirons que cela se fasse mieux. Il est cependant un point dans cette voie qu'il ne faut pas dépasser; c'est celui où la prévoyance gouvernementale viendrait anéantir la prévoyance individuelle en s'y substituant. Il est de toute évidence que la charité organisée ferait, en ce cas, beaucoup plus de mal permanent que de bien passager." (Justice et fraternité)