Le cardinal Brandmüller excommunie le synode sur l’Amazonie

Source [Diakonos.be] Depuis qu’il a été rendu public le 17 juin dernier, le document de travail – ou Instrumentum Laboris – du synode sur l’Amazonie a reçu plusieurs réactions critiques, du fait de sa structure et de ses proposition singulières par rapport à tous les synodes qui l’ont précédé.

Mais aujourd’hui, il y a plus.  Un cardinal vient d’accuser le document d’hérésie et d’apostasie.  Il s’agit de l’allemand Walter Brandmüller, âgé 90 ans, éminent historien de l’Église, président du Conseil pontifical des sciences historiques de 1998 à 2009 et co-auteur, en 2016, des célèbres dubia sur l’interprétation correcte et sur l’application d’Amoris laetitia auxquels le pape François a toujours refusé de répondre.

Voici ci-dessous son « J’accuse » publié simultanément en plusieurs langues.

Une critique de l’Instrumentum Laboris du Synode sur l’Amazonie

du cardinal Walter Brandmüller

Introduction

ON peut vraiment trouver étonnant que, contrairement aux assemblées précédentes, cette fois le synode des Évêques s’intéresse exclusivement à une région du monde où la population représente à peine la moitié de celle de la ville de Mexico, soit 4 millions d’habitants.  Ce qui contribue d’ailleurs à éveiller des soupçons quant aux véritables intentions qui sont à l’oeuvre en coulisses.  Mais il faut surtout se demander quels sont les concepts de religion, de christianisme et d’Église qui sont à la base de l’Instrumentum Laboris publié récemment.  C’est ce que nous allons examiner en nous appuyant sur des extraits du texte.

Pourquoi un synode dans cette région ?

Avant tout, on est en droit de se demander pourquoi un synode des évêques devrait se pencher sur des thèmes qui – comme c’est le cas pour les trois quarts de l’Instrumentum laboris – ne concernent que marginalement les Évangiles ou l’Église.  De toute évidence, il s’agit de la part du synode des évêques d’une ingérence agressive dans les affaires purement temporelles de l’état et de la société du Brésil.  On pourrait se demander ce que l’écologie, l’économie et la politique ont à voir avec le mandat et la mission de l’Église.

Et par-dessus tout : en quoi un synode ecclésial des évêques est-il compétent pour formuler des déclarations dans ces domaines ?

Si le synode des évêques s’aventurait vraiment sur ce terrain, il sortirait alors de son rôle et ferait preuve alors d’une présomption cléricale que les autorités civiles seraient en droit de rejeter.

Sur les religions naturelles et l’inculturation

A cela, il faut garder en tête un autre élément que l’on retrouve à travers tout l’Instrumentum Laboris : l’évaluation très positive que l’on fait des religions naturelles, y compris des pratiques de guérison indigènes et tout ce qui s’en suit, y compris des pratiques et des rites mythico-religieux.  Dans le contexte de l’appel à l’harmonie avec la nature, on y parle même de dialogue avec les esprit (n°75).

Ce n’est pas seulement l’idéal du « bon sauvage » tel que Rousseau et les Lumières l’ont essquissé que l’on compare ici à l’homme européen décadent.  Ce courant de pensée se poursuit bien plus loin dans le temps, jusqu’au tournant du 20e siècle où il culmine en une idolâtrie panthéiste de la nature.  Herman Claudius (1913) a composé l’hymne du Mouvement des Travailleurs Socialistes : « Quand nous marchons côte à côte… », dont un couplet dit ceci : « Verts bouleaux et vertes graines, voyez comment la vieille Mère Nature sème à pleines mains, avec un geste de supplication pour que l’homme devienne sien… »  Il est intéressant de noter que ce texte a été ensuite recopié dans le livre de chants des Jeunesses hitlériennes, probablement parce qu’il correspondait au mythe national-socialiste du sang et du sol.  Cette proximité idéologique est remarquable.  Ce rejet antirationaliste de la culture « occidentale » qui insiste sur l’importance de la raison est caractéristique de l’Instrumentum Laboris, qui parle respectivement au n°44 de « la Terre-Mère » et du « cri des pauvres et de la terre » (n°101).

Par cons »quent, le territoire – c’est-à-dire les forêts d’Amazonie – y est même déclaré être un locus theologicus, une source singulière de la révélation de Dieu.  Il y aurait en son sein les lieux d’une épiphanie où se manifeste la réserve de vie et de sagesse pour la planète, une vie et une sagesse qui parle de Dieu (n°19).  Entretemps, la régression qui en découle du Logos au Mythos est érigée en modèle de ce que l’Instrumentum Laboris qualifie d’inculturation de l’Église.  Le résultat est une religion naturelle recouverte d’un mince vernis chrétien.

La notion d’inculturation y est ici virtuellement dénaturée, étant donné qu’on lui fait dire le contraire de ce que la Commission Théologique Internationale a présenté en 1988 et de ce qu’a enseigné avant elle le décret « Ad Gentes » de Vatican II sur l’activité missionnaire de l’Église.

Sur l’abolition du célibat et l’introduction d’un sacerdoce féminin

Il est impossible de masquer que le « synode » vise surtout à mettre en œuvre deux projets auquel on tient beaucoup et qui n’ont jamais été mis en œuvre jusqu’à présent : l’abolition du célibat et l’introduction d’une prêtrise féminine – en commençant d’abord par le diaconat féminin.  Quoi qu’il en soit, il s’agit de « tenir comtpe du rôle central que les femmes jouent aujourd’hui dans l’Église amazonienne » (129a3).  D’une manière similaire, il s’agit à présent « d’ouvrir nouveaux espaces qui s’ouvrent pour la création les nouveaux ministères adaptés à ce moment historique.  Il est temps d’écouter la voix de la région amazonienne… » (n°43).

On oublie cependant de mentionner que, dernièrement, Jean-Paul II aussi avait affirmé avec la plus haute autorité magistérielle qu’il n’est pas dans le pouvoir de l’Église de conférer les ordres sacrés aux femmes.  En effet, en deux mille ans, l’Église n’a jamais administré le Sacrement de l’Ordre à une femme.  La demande qui va aujourd’hui dans la direction opposée montre que le mot « Église » est maintenant employé comme un terme purement sociologique de la part des auteurs de l’Instrumentum Laboris, ce qui revient à nier le caractère sacramentel et hiérarchique de l’Église.

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