Les sénateurs ont rejeté la proposition de loi en faveur de la légalisation de l'euthanasie, dans la nuit de mardi à mercredi, par 170 voix contre 142. La convergence des initiatives appelant à éclairer l'opinion sur le danger du texte défendu par le sénateur Jean-Pierre Godefroy (PS, Manche) a payé, mais ceux qui veulent instaurer une assistance médicalisée pour mourir , autrement dit l'aide légale au suicide, ne baisseront pas les bras.

L'Entente parlementaire visant à refuser l'euthanasie et à développer un accès aux soins palliatifs pour tous, soutenue par la Fondation de service politique, poursuit sa mobilisation.

L'essentiel du texte tenait dans son article premier, qui a été supprimé : Toute personne capable majeure, en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu'elle juge insupportable, peut demander à bénéficier [...] d'une assistance médicalisée permettant, par un acte délibéré, une mort rapide et sans douleur.
L'intervention du Premier ministre François Fillon, la veille du débat, s'opposant fermement à l'euthanasie, a certainement été décisive. Il a mobilisé sa majorité au Sénat contre la proposition de loi présentée comme transpartisane .
Ce débat aura eu le mérite de nous alerter à nouveau sur la nécessité de rester vigilants, a déclaré Caroline Roux, secrétaire générale de l'Alliance pour les droits de la vie, qui a assisté au débat : périodiquement, on tente de déstabiliser notre système de santé alors qu'il y a tant à faire pour développer les points palliatifs et mieux accompagner les personnes en fin de vie. C'est ce qui ressort des échanges de grande qualité entre les sénateurs et le gouvernement cette nuit.
Demande d'amour ou de mort
Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a parlé de l'euthanasie comme une pratique qui va à l'encontre de nos fondements juridiques . Il a invoqué les malades d'Alzheimer qui ne pourraient plus exprimer leur volonté libre et éclairée , et défendu le développement des soins palliatifs.
D'autres ministres ont pris position contre l'euthanasie, comme Laurent Wauquiez : Que fait-on de la pression inévitablement exercée sur les malades souhaitant légitimement mourir de mort naturelle, qui seraient dès lors rendus coupables de faire porter le coût des soins sur leurs proches et sur la société ? Et comment, face à la souffrance physique, peut-on justifier de supprimer une vie, de commettre un homicide de sang-froid ?
Pour le ministre chargé des Affaires européennes, il ne faut pas se tromper de débat : Derrière la demande de mort, il y a en réalité une demande d'amour, de la part des malades comme de leurs proches. Ce n'est pas un hasard si, dans les pays où l'euthanasie est légale, comme aux Pays-Bas, le nombre de cas d'euthanasie a diminué à mesure qu'on améliorait et qu'on rendait plus accessibles les soins palliatifs.
En face, la centriste Muguette Dini, présidente de la commission des Affaires sociales, a défendu le texte jusqu'au bout : Ne vous arrogez pas le droit de décider à la place de ceux qui, lucidement, ont choisi le moment de mettre fin à leur souffrance. Ne leur volez pas leur ultime liberté , a-t-elle plaidé.
L'ex-secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, Valérie Létard, a maintenu son soutien au texte initial, précisant qu'elle votait l'article 1 pour que l'on ouvre le débat et qu'on le continue .
Forte mobilisation
La victoire des adversaires de l'euthanasie est le fruit d'une mobilisation constante et d'une réaction rapide et adaptée. L'Alliance pour les droits de la vie, à l'origine de la pétition Fautpaspousser.com (Le Fil, 13 novembre 2009) qui a réuni 55.000 signatures, a organisé un happening géant devant le Sénat : sept-cents gisants fauchés par la mort, une image qui a impressionné de nombreux passants (photo).
Le collectif Plus digne la vie, lancé par des représentants du corps médical, (Le Fil, 19 janvier), dont la Société française d'accompagnements des soins palliatifs (SFAP) et la Société française des anesthésistes et réanimateurs (SFAR), ont publié un Manifeste citoyen soutenu par 12.000 personnalités.
Famille chrétienne signale enfin la mobilisation des parlementaires eux-mêmes, derrière le député Jean-Marc Nesme, député maire de Paray-le-Monial et ardent défenseur d'une culture de la vie, ayant pour l'occasion décidé d'activer une Entente parlementaire visant à refuser l'euthanasie et à développer un accès aux soins palliatifs pour tous ; initiative soutenue et relayée par la Fondation de service politique (26 janvier). En quelques jours, une centaine d'adhésions de sénateurs et de députés a été enregistrée.
Déçu, le président de l'Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), Jean-Luc Romero, s'est déclaré malgré tout optimiste pour la suite . Il a condamné pêle-mêle l'intervention du Premier ministre et des catholiques : François Fillon a fait la plus grande erreur de sa vie en mettant tous les moyens de l'État contre un vote de conscience (sic) , dénonçant la pression de l'église avec des tribunes des évêques partout. .
Une menace constante
L'optimisme du président de l'ADMD ne doit pas être pris à la légère. Le vote de mardi est historique par la poussée qu'il exprime, plus que par son résultat.
La manoeuvre des amis de l'ADMD est significative. Leurs moyens de faire basculer la législation est encore faible, ils travaillent donc sur l'évolution des mentalités en utilisant la tribune parlementaire.
Ils ont ainsi utilisé les services du sénateur UMP de la Vienne, Alain Fouché, auteur d'une des propositions de loi. Cet élu n'est pas un leader de la droite sénatoriale, il est membre de la commission de l'économie et non pas de la commission des affaires sociales : il est donc étranger à la commission qui a examiné et adopté le texte par démagogie, grâce à l'absence des sénateurs en réunion lors du vote. En outre le rapporteur du texte était socialiste, Jean-Pierre Godefroy, autant dire qu'il avait peu de chance d'être suivi en séance publique. Mais l'impact médiatique était fort, même si celui-ci a joué dans les deux sens.
D'autres offensives apparaîtront donc, avec des menaces extrêmement inquiétantes, là où on ne les attend pas forcément, comme la pression des finances de la Sécurité sociale. Ainsi, l'annonce de la création d'un risque dépendance pourrait recéler un danger, et masquer la mise en œuvre subreptice, plus ou moins volontaire, d'un système de protection sociale euthanasique, la prise en charge publique de tout nouveau risque ne pouvant s'envisager sans diminuer drastiquement les dépenses d'hospitalisation des personnes âgées en long séjour.
[Sources : AFP, Famillechretienne.fr, Le Monde, ADV]

 

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