Parmi les questions politiques qui dérangent, les catholiques américains se demandent s'ils peuvent aujourd'hui, en conscience, voter pour les candidats qui soutiennent le massacre légalisé des êtres humains à l'âge embryonnaire et fœtal par avortement, ou à des fins de recherche biomédicale.

Répondant aux demandes de clarifier les obligations des catholiques sur cette question, la Congrégation pour la doctrine de la foi à Rome, sous l'autorité de son préfet, le cardinal Joseph Ratzinger, a publié un mémoire "Sur la dignité (worthiness) requise pour recevoir la sainte communion". Bien qu'elle ait traité principalement des obligations des évêques de refuser la communion aux responsables catholiques dans certaines circonstances, elle comprend une note brève portant sur la possibilité pour les catholiques, en conscience, de voter pour les candidats qui soutiennent l'utilisation de la vie humaine naissante dans l'utérus ou en laboratoire (1).

Le cardinal Ratzinger a déclaré qu'un "catholique serait coupable de coopération formelle au mal, et indigne de se présenter devant la Sainte Communion, s'il devaient voter délibérément et précisément pour un candidat en raison de la position laxiste d'un candidat sur l'avortement." Mais la question du moment est celle-ci : un catholique peut-il voter pour un candidat pro-avortement pour d'autres raisons ? Le cardinal a répondu ainsi : un catholique peut voter pour un politicien catholique pro-avortement seulement "en présence de raisons proportionnées".

Que sont ces "raisons proportionnées" ? Pour apprécier cette question, nous devons d'abord répéter l'enseignement de l'Église : le meurtre direct d'êtres humains innocents à n'importe quelle étape du développement, y compris embryonnaire et fœtal, est un homicide, gravement coupable et toujours profondément erroné. Nous devons donc considérer la portée du mal de l'avortement aujourd'hui dans notre pays. L'Amérique souffre d'1.3 million d'avortements chaque année -- une tragédie aux proportions fantastiques. En outre, beaucoup de défenseurs de l'avortement proposent d'aggraver la situation encore en créant une industrie publiquement subventionnée dans laquelle des dizaines de milliers de vies humaines seraient "sacrifiées" tous les ans à la recherche biomédicale.

Ainsi pour qu'un citoyen catholique vote pour un candidat qui soutienne l'avortement et la recherche sur les embryons, une des hypothèses suivantes devrait être acquise : a/ ou les deux candidats sont en faveur du meurtre d'embryons dans des proportions équivalentes ou b/ le candidat ayant la meilleure position sur l'avortement et la recherche embryonnaire soutienne un mal objectif d'une gravité et d'une ampleur allant au delà d' 1,3 million d'avortements annuels plus les meurtres qui auraient lieu si des fonds publics étaient affectés à la recherche embryonnaire.

Franchement, il est difficile d'imaginer la circonstance b/ dans une société telle que le nôtre. Aucun candidat préconisant la suppression de la protection légale contre le meurtre de personnes innocentes autres que des enfants non-nés n'aurait une chance de gagner une responsabilité importante dans notre pays. Même ceux qui soutiennent la peine de mort pour les meurtriers de premier-degré ne préconisent de politiques qui ont comme conséquence plus d'un million de meurtres annuellement.

Comme Mère Teresa nous l'a rappeler lors de ses visites aux États-Unis, l'avortement déchire notre âme nationale. C'est une trahison du principe de fondation de notre nation qui reconnaît tous les êtres humains comme "créés égaux" et "doté de droits inaliénables". Quel mal pourrait-il être si grave et répandu qu'il constituerait "une raison proportionnée" de soutenir les candidats qui préserverait et protégerait la permission d'avorter et l'étendrait même au meurtre de l'embryon publiquement financé dans nos laboratoires ?

Il est certain que les politiques sur le bien-être (welfare), la sécurité nationale, la guerre en Irak, la Sécurité sociale ou les impôts, prises séparément ou ensemble, ne fournissent pas une raison proportionnée de voter pour un candidat pro-avortement.

Considérez, par exemple, la guerre en Irak. Bien que pape Jean Paul II ait parlé en faveur d'une alternative à l'utilisation de la force militaire contre la menace constituée par Saddam Hussein, il n'a pas lié la conscience des catholiques à un accord avec son jugement en la matière, ni dit qu'il serait moralement mauvais que les soldats catholiques participent à la guerre. En conformité avec l'enseignement du catéchisme sur la "guerre juste," il a établi qu'un jugement final en prudence sur la nécessité de la force militaire dépend des chefs d'État, pas des responsables ecclésiastiques. Les catholiques peuvent, en conscience, soutenir l'utilisation de la force en Irak ou s'opposer à elle.

L'avortement et la recherche embryonnaire sont des cas différents. Ils sont des maux intrinsèques et graves ; aucun catholique ne peut légitimement les soutenir. Dans le contexte de la vie sociale américaine contemporaine, l'avortement et la recherche embryonnaire sont des maux disproportionnés. Ils sont les abus les plus graves contre les droits de l'homme de notre propre politique comme l'esclavage du temps de Lincoln. Les catholiques sont appelés par l'Évangile de la vie à protéger les victimes de ces abus des droits de l'homme. Ils ne peuvent légitimement abandonner les victimes par le soutien de ceux qui encourageraient leur victimisation [17 septembre 2004].

Mgr John Myers est archevêque de Newark (Californie).

© Trad. Décryptage.

Note

(1) Voici le texte intégral de la note citée : "N.b. Un catholique serait coupable de coopération formelle au mal, et indigne de se présenter devant la Sainte Communion, s'il devait voter délibérément et précisément pour un candidat, en raison de sa position laxiste sur l'avortement et/ou l'euthanasie. Quand un catholique ne partage pas la position d'un candidat en faveur de l'avortement et/ou de l'euthanasie, mais vote pour ce candidat pour d'autres raisons, il est considéré apporter une coopération matérielle éloignée, qui peut être autorisée en présence de raisons proportionnées" © Trad. Décryptage.

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