Algérie : mission ou démission

Source [Politique Magazine] La négociation confiée à Benjamin Stora et les redoutables perspectives ouvertes.

 

Comme il l’a rappelé dans son entretien à L’Express (22 décembre), le président Macron a confié en juillet 2020 à l’écrivain d’extrême gauche Benjamin Stora une mission importante. Il s’agirait pour l’intéressé, de favoriser «  la réconciliation entre la France et l’Algérie  ».  Les réactions à cette désignation ont été discrètement favorables. Ceci n’a rien d’étonnant vu la partiale tendresse des médias en faveur de «  Benjamin Stora  », souvent dépeint, sans rire, comme «  le meilleur historien concernant l’Algérie  ». Nous ferons une notable exception pour Jean Sévillia qui a indiqué, dans Le Figaro, combien ce choix lui paraissait contestable.

En effet, Stora a écrit une profusion de livres sur l’Algérie à l’époque française et sur le conflit qui sévit entre 1954 et 1962. Sa position à ce sujet est bien connue. C’est un anticolonialiste avéré et l’œuvre de la France en Algérie, l’activité de l’Armée française et celle de ses compatriotes pieds-noirs ne lui inspirent que très peu de considération. Le choisir pour «  nous réconcilier  » avec l’Algérie est donc une démarche aussi claire que discutable  : la repentance sera à l’ordre du jour.

Certains diront que ses vues anticoloniales sont précisément de nature à en faire un interlocuteur écouté à Alger, où dominent des bureaucrates issus du FLN lequel anima jadis la rébellion qui mena à l’Indépendance. Si un tel raisonnement a inspiré le président de la République, il y a lieu de s’inquiéter. Ledit FLN et ses épigones au pouvoir depuis près de soixante ans, sur l’autre rive de la Méditerranée, n’ont cessé de réclamer des «  excuses  » à la France pour sa présence en Algérie durant 132 ans et pour l’action de ses soldats dans le conflit qui démarra en 1954. L’ex-président Bouteflika a même insulté notre pays en le comparant, en la matière, au troisième Reich.
Bernard Lugan a donc eu raison d’écrire dans son blog, L’Afrique réelle, que Macron a ouvert une «  boîte de Pandore  » qu’il sera malaisé de refermer. Déjà, les demandes de “réparations” s’accumulent. Tel hiérarque du FLN réclame la «  totalité des archives françaises sur l’Algérie  ».  Tel autre évalue à 100 milliards de dollars ce que la France devrait à ce pays. Bernard Lugan propose donc de présenter à Alger «  l’addition de ce que l’Algérie a coûté à la France entre 1830 et 1962… sans parler du coût colossal de l’immigration depuis cette date  ». Et l’historien rappelle ceci  : «  En 1959, l’Algérie, à elle seule, engloutissait 20  % du budget de la France.  »

En fait, ce qui se profile n’est pas une solide défense de l’honneur français et de la mémoire de nos 25  000 combattants tombés pour la Patrie mais, tout au contraire, une nouvelle phase aggravée de la contrition nationale. Cette politique, car c’en est une hélas, a été illustrée par les déclarations déjà anciennes d’un de nos ambassadeurs, selon qui la répression du soulèvement du 8 mai 1945 était «  inexcusable  ». L’hommage récent à madame Audin allait dans le même sens, comme une multitude de films et de documentaires dénonçant notre armée. Rappelons, entres autres, le navet antihistorique  Hors-La-Loi,  infecte pellicule antifrançaise, toujours diffusée sur nos écrans. Il est quand même significatif que le seul film français récent qui dénonce le terrorisme du FLN, Qu’un sang impur, œuvre d’un Algérien né en France, ait été refusé par tous les distributeurs français, sauf la société Mars…

Quelle était donc la motivation profonde de M.  Macron en organisant la mission de Stora dont il a déclaré attendre des résultats «  pour la fin de l’année 2020  » (ce serait en fait en janvier 2021)  ? La réponse nous est fournie par le communiqué même de la présidence  : il s’agit «  de dresser un état des lieux, juste et précis du chemin à accomplir en France [c’est nous qui soulignons] sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie ainsi que du regard porté sur ces enjeux [sic] de part et d’autre de la Méditerranée  ».

Si l’on prend ces phrases à la lettre et, en supposant que leur côté jargonneux soit purement accidentel, il faudrait donc penser que la mission Stora se fixera pour objectif ultime d’aider la France à parcourir un certain chemin. Quel peut être ce chemin, sinon celui qui mène vers une nouvelle étape de la repentance  ?
Monsieur Macron qui parlait, il y a peu, de «  crime contre l’humanité  » à propos de l’Algérie, n’est-il pas en train de dévoiler de bien curieuses batteries  ? La «  réconciliation entre la France et l’Algérie  » ne va-t-elle pas conduire notre pays à se flageller à nouveau, au prix d’une grave atteinte à son prestige  ?
Si la personnalité et l’œuvre de M. Stora ne rassurent aucunement sur ce point, que dire de celle de son interlocuteur mandaté par le pouvoir algérien  ? Il s’agit de M.  Abdelmajid Chikhi, notoirement connu pour ses fortes orientations islamistes et une particulière hostilité à la France. N’allons-nous pas assister à un prolongement de la fable du pot de terre et du pot de fer, stratégie qui réussit si bien au FLN, en mars 1962 à Evian  ?
Pour l’instant, M. Chikhi, qui n’est pas escrimeur mais mériterait sûrement de l’être, s’est fendu d’un communiqué commandant à la partie française de clarifier sa position. En effet, selon lui, le bourreau et la victime ne peuvent pas écrire une histoire commune.

Il va sans dire que pour ce gracieux personnage la France est le bourreau et l’Algérie la victime. On mesure donc la charmante perspective qu’ouvre la négociation avec lui. A moins que, les politiciens sont si surprenants, tout cela ne soit qu’un ballet soigneusement réglé et dont le résultat est déjà prévisible. La partie française n’aura qu’à écrire en bas de page  :  «  Pénitentiellement vôtre  ».