Dans la rubrique Opinion du Figaro du 25 avril 2012, Denis Tillinac, écrivain français, adresse à la présidente du Front National une lettre argumentée pour la convaincre du nécessaire ralliement à Nicolas Sarkozy.
Toutes les analyses politiques ou presque s’accordent après le premier tour des présidentielle pour dire que l’électorat frontiste détient les clefs du prochain scrutin. Le deuxième tour de l’élection présidentielle se jouera entre Nicolas Sarkozy et François Hollande. Et si Marine Le Pen n’a pas, à proprement parler, le pouvoir de « faire élire » le premier, elle peut en revanche assurer au second la victoire en favorisant l’abstentionnisme de son électorat, voire le ralliement à gauche.
C’est pourquoi Denis Tillinac a cru bon de rappeler quelque principes de base de la politique à Marine Le Pen à travers une lettre ouverte.
Premier point : faire élire François Hollande ne saurait être un fin calcul politicien de la part du Front national. Cela reviendrait simplement à réduire « comme auparavant le FN aux acquêts de supplétif du PS ». Une stratégie décevante après une telle victoire électorale.
Pire, ce serait renier les principes même de la politique frontiste en soumettant la France à un régime hégémonique de gauche durant cinq ans.
« Ce qui changera met en garde l’écrivain, c’est la société française si la gauche déjà hégémonique dans les régions, dans les départements, dans le système médiatique, dans le corps enseignant s’empare des leviers de commande étatiques. L’alliance d’Aubry, de Mélenchon et de Joly nous promet une véritable mutation anthropologique : une récusation de notre héritage, une mise au rebut de la filiation, de l’altérité et de l’enracinement, une prime à la police du langage. Ce n’est pas anodin. La vision du monde qui sous-tend le programme de la gauche, c’est Le Meilleur des mondes de Huxley dans une version cosmopolite et androgyne, une dictature soft de l’indifférencié. »
Certes le Front national a des griefs contre la droite traditionnelle et modérée. On sait Marine Le Pen tentée de provoquer ainsi « l’explosion de l’UMP ». Denis Tillinac ne fait pas mine d’ignorer les fautes de la droite qui « a souvent relayé la diabolisation du FN ». L’écrivain s’érige contre cette « bienséance pharisienne, cynique et fielleuse ». Il accuse un « “mixe” de staliniens faussement repentis et de soixante-huitards moralement à la ramasse » d’être à l’origine de la réputation de parias que traîne le FN depuis des années. Il rappelle qu’en politique, le Front national devrait toujours être considéré comme un adversaire et non comme un ennemi. Denis Tillinac reconnaît à Marine Le Pen son entière légitimité politique et c’est pourquoi il s’autorise – comme le fait Thierry Boutet dans son éditorial cette semaine – à lui demander d’être cohérente dans ses choix et favoriser le vote à droite plutôt que « l’avènement d’un puritanisme triste et peu respirable ».
Source : Le Figaro du 25 avril 2012