Passés le choc et le deuil de toute la nation, vient le temps des constats et des questions. Laissons de côté les polémiques sur l’intervention du RAID auquel il faut surtout rendre hommage, même s’il est permis de s’interroger sur le non emploi de gaz irritants ou endormants qui auraient (peut-être !) limité la casse et permis (peut-être !) de capturer Mohamed Merah vivant. On peut aussi être partagé entre l’admiration pour la rapidité avec laquelle nos services de renseignement ont identifié le tueur, et le fait qu’il ait pu réunir un arsenal et préparer ses forfaits alors qu’il était connu de tous ces services : de celui de l’armée, la DPSD (Direction de la protection et de la sécurité de la défense), comme de la DGSE et de la DCRI, les services de renseignements extérieurs et intérieurs, chapeautés par le Conseil national du renseignement (CNR). Bref, grâce au croisement de ces fichiers informatisés que honnit la gauche, Merah était connu comme le loup blanc, y compris de la Justice qui l’avait envoyé deux fois en prison pour de « petits délits » pas si petits que ça…
Mais pour légitimes que soient ces questions techniques, elles ne doivent pas servir d’arbre qui cache la forêt. A savoir ce constat, aveuglant, incontournable : un jeune musulman de nationalité française, né et grandi à Toulouse, est devenu un tueur hors normes, déterminé, impitoyable, capable d’assassiner froidement sept innocents, y compris en faisant sauter la cervelle d’une enfant à bout portant, au nom de l’islam. Il était un pur produit d’un « quartier sensible», élevé sans père, précoce délinquant, ayant tâté de la prison en 2007 et 2009 pour une quinzaine de délits. Refusé par l’armée en raison de son casier judiciaire, il vivait du RSA. Nos services de renseignement connaissaient ses séjours dans les zones tribales afghanes et pakistanaises et son « profil d'autoradicalisation salafiste atypique » selon les termes du procureur de Paris (reste à savoir si « atypique » n’est pas de trop). Ni ses revenus limités, ni son fichage -et celui de son frère aîné impliqué dans une filière d'acheminement de djihadistes en Irak - ne l’ont empêché de se doter d’un véritable arsenal de guerre, qui a donné du fil à retordre aux policiers du RAID (4 blessés).
Voilà qui repose avec plus d’acuité que jamais une cascade de problèmes bien connus mais bien loin d’être résolus : celui du « multiculturalisme », celui de l’intégration et du droit du sol, celui de l’abandon de nos « banlieues » à des zones de non-droit, celui de la circulation des armes et de la drogue qui finance leur achat, celui de la « politique de la ville » qui subventionne à fonds perdus (pas perdus pour tout le monde !), celui de la prison, lieu de la radicalisation plutôt que de la réinsertion où la bonne parole salafiste trouve une résonnance idéale.
Quoi qu’on pense de sa nature, de ses slogans, et de son programme politique, ce n’est pas « l’extrême droite » ni les discours « complices » de la droite qu’il faut aller débusquer derrière ces attentats. Elle n’était pas davantage impliquée en 1980, dans l’attentat de la rue Copernic, en 1982 dans le massacre de la rue des Rosiers, ou en 1990 dans la profanation du cimetière de Carpentras. Mais nullement échaudés par tant de déconvenues, les professionnels de l’antiracisme, relayés par des candidats bien mal avisés, n’ont pas manqué de réitérer ces accusations la semaine dernière, avant que l’identité du tueur ne soit connue. L’envie furieuse d’en découdre avec l’ennemi de droite et la crainte de paraître islamophobe déclenche ce réflexe pavlovien. Autant d’écrans de fumée pour masquer l’incendie de nos banlieues. N’est-il pas grand temps, tout bavardage cessant, de nous en occuper ?