— Au secours, les cathos sont de retour ! Voilà qu’ils sortent des sacristies pour mettre leur grain de sel dans le débat politique, social, économique, bioéthique, écologique ! Quel culot, qu’ils la bouclent, on ne leur a rien demandé !
Ce cri enfle dans les rangs – nombreux et puissants – des faiseurs d’opinion. A les entendre, dans une société qui se targue d’ouverture à tous et de liberté sans limite, une seule catégorie de citoyens devrait être privée du droit à la parole : les « religieux », les chrétiens, les catholiques (par ordre croissant de dangerosité). Ne deviennent-ils pas en effet des hors-la-loi, ceux qui défient le consensus relativiste en prétendant invoquer au nom de Dieu et de la nature humaine une vérité qui s’imposerait à l’homme ? Qu’ils gardent Dieu pour eux, dans la stricte limite de la « sphère privée », et ne s’avisent pas de donner leur avis sur les choses de la vie, l’amour, l’argent, le travail, la sexualité, la procréation, l’embryon, le mariage, la maladie et la mort ! Car ces réalités-là sont désormais le domaine réservé des promoteurs des « avancées » sociétales dont l’adoration scelle le droit de cité, tel le culte rendu à l’empereur dans la Rome antique. Ils entendent échafauder entre eux l’avenir radieux du bon peuple et tiennent pour des agresseurs ceux qui osent réintroduire la transcendance ou la nature humaine dans le débat public. «Déistes » et « naturalistes », pouah, pas de ça au pays de la laïcité !
Mais de quel droit, cette exclusion ? Au nom de quel jugement, de quel arrêt, de quelle expertise ? La question a été publiquement posée à Milan, le 2 juin, au cours de la VIIe rencontre internationale des familles autour du pape, par le cardinal André Vingt-Trois. Dans son homélie, l’archevêque de Paris a conforté les catholiques dans leur nouvelle audace à faire entendre leurs voix, par exemple à propos du «patrimoine principal de l'humanité» (Benoît XVI) qu’est la famille. « Nos choix, a souligné le cardinal, n’expriment pas une sorte de particularisme ; ils ne sont pas seulement confessionnels, mais il engagent un choix de société. Nous avons le droit de les défendre socialement, (…) au nom du bien de la société. » En effet, a-t-il expliqué, nous ne sommes pas «une secte égarée dans la société » mais bien des membres à part entière de celle-ci. C’est à ce titre, et forts « d’une expérience de l’humanité», que nous avons « le devoir de proposer des arguments humanistes audibles par tous les hommes de bonne volonté. » [1]
Reprenant ainsi un des thèmes majeurs du magistère de l’Eglise au moins depuis Paul VI (« L’Eglise, experte en humanité »), le cardinal Vingt-Trois a désigné aux fidèles et tout particulièrement aux laïcs le terrain sur lequel Dieu les a placés pour témoigner de la vérité : celui de la politique, au sens plein et noble de ce terme. Du simple bulletin de vote à la fonction élective, en passant par toutes les formes de l’engagement associatif, et par les multiples occasions de faire entendre sa voix dans les medias et dans les réseaux sociaux, l’heure est à la mobilisation de toutes les compétences et de toutes les énergies. Encore faut-il pour cela s’informer, se former, et accepter en toute humilité une mise en commun et un partage des compétences que l’efficacité impose à toute entreprise. Et que la charité envers nous-même, nos familles, notre pays et le monde exige de rechercher sans délai, quoique sans précipitation ni crispation. Tel est bien l’objectif qu’avec nos partenaires toujours plus nombreux nous poursuivons ici, à Liberté Politique. Merci d’y adhérer, merci d’y participer.
[1] le texte intégral de l’homélie du cardinal Vingt-Trois : http://www.libertepolitique.com/L-information/Decryptage/Andre-Vingt-Trois-Qui-a-donne-le-droit-de-dire-ce-qui-est-bon-pour-l-homme