On distingue usuellement la médecine libérale (en cabinet ou en établissement de soins privé) et la médecine salariée (en hôpital ou en centre de soins). Des différences importantes existent en effet entre ces deux mondes mais ils sont cependant reliés par des passerelles : médecins hospitaliers ayant une activité privée à l’hôpital, médecins libéraux occupant des postes à temps partiel en hôpital public, etc. Pour autant, les problèmes de l’un ne peuvent se résoudre avec les solutions de l’autre.
L’hôpital public est confronté à 2 défis majeurs : son financement et son organisation.
La question du financement de l’hôpital
Le déficit de l’hôpital public est souvent qualifié de puits sans fond. La gabegie y règne en maître. De 2004 à 2010, l’encours de la dette de l’hôpital public est passé de 10 milliards à 24 milliards d’euros avec la totale indulgence des pouvoirs publics, malgré le discours facialement volontariste tenu par les gouvernements successifs (Cour des comptes, Rapport sur la gestion de la dette publique locale, juillet 2011) A titre d’exemple, la dette des hôpitaux de Marseille est équivalente à leur budget ; le CHU d’Amiens, quant à lui, a absorbé 40 millions d’euros d’aides publiques en deux ans…
Cette situation est en outre aggravée par l’absentéisme de praticiens nommés à vie, rarement contrôlés, et un syndicalisme revendicatif.
Quel remède apporter ? Une solution serait de placer ces structures trop endettées sous administration provisoire, comme le sont les cliniques privées en difficulté, et de leur imposer les restructurations nécessaires.
La question de l’organisation
Les problèmes sont liés au recrutement de praticiens sous la forme contractuelle. En effet, ces praticiens ont fréquemment été formés à l’extérieur de l’Europe, parfois dans des États où les niveaux d’exigence ne sont pas comparables à ceux requis par la médecine européenne. Sans même évoquer ici la question éthique : est-il acceptable que la France prive des États pauvres de praticiens dont ils ont besoin ?
Coté médecine libérale
Quant à la médecine libérale (privée), ses défis sont triples : chute de la démographie, désorganisation des pratiques et rémunérations variables.
La chute de la démographie médicale
Elle s’accompagne d’une augmentation accrue des demandes de consultations pour le suivi des pathologies chroniques liées au vieillissement de la population (diabète, hypertension artérielle, maladie d’Alzheimer) ou à la conjoncture économique (dépression, majorée par la crise).
Une pratique de plus en plus complexe
L’essor de l’arsenal diagnostique et thérapeutique rend la pratique de plus en plus complexe. On constate également une perte de la liberté pour la pratique de l’art et de l’autonomie des prescriptions. Ce mouvement est encore renforcé par le rôle important pris par les associations de patients, par les forums sur Internet et une judiciarisation inquiétante (dont la médecine n’est pas la seule victime) qui entraîne une augmentation importante des primes d’assurance.
Il faut ajouter à cela des contraintes de « paperasserie » administrative qui absorbent un temps précieux et déjà compté pour le soin des patients,.
Exemples :
- réunions de comités aux acronymes incompréhensibles aux non-initiés ( CLIN, CLUD…etc)
- Préparation des visites d’accréditation des établissements réalisées par des contrôleurs qualité auto-proclamés
- suppression des indispensables « feuilles de température » au lit du patient …etc.
Les problèmes de rémunération :
La profession de médecins s’accompagne de sacrifices considérables en termes de disponibilité, mais la consultation de base d’un médecin stagne à 23 euros. Aucune augmentation de la consultation n’est à envisager ; la prochaine revalorisation sera un forfait appelée « paiement à la performance » qui encadrera la pratique en réduisant encore la liberté de l’exercice par le praticien.
Ces contraintes rebutent les jeunes diplômés qui hésitent à s’installer. Un sondage récent du Conseil national de l’Ordre des médecins montre que moins de 10 % des jeunes internes désirent choisir l’exercice libéral.
De surcroît, au cours de ces cinq dernières années on a assisté au renforcement du rôle de l’État avec la mise en place de la loi HPST (Loi Bachelot), véritable étatisation de la médecine ayant entraîné la mise sous tutelle de la médecine hospitalière et de la médecine de premier recours.
La modification de cette loi sera l’un des défis pour les futurs candidats aux élections présidentielle et législative. Le rôle des praticiens de santé est de leur rappeler que ce secteur pèse un poids économique indéniable et qu’il n’est pas (ou très peu) délocalisable.
En conclusion, on voit se dessiner un système complexe qui devra se réformer sous les contraintes budgétaires : l’assurance maladie se repliera sur les pathologies lourdes et la prise en charge des plus pauvres. Les assurances privées s’occuperont du reste organisant des contrats avec des médecins volontaires mais surveillés pour la prise en charge de la clientèle solvable.
Le docteur Marc THOMAS est Président du syndicat des cardiologues de la région Champagne-Ardenne Membre et membre élu de l’ Union Régionale des Médecins Libéraux Champagne-Ardenne (liste SML).
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